Selon de nouveaux documents obtenus par Mediapart, Thierry Gaubert ne pouvait ignorer que derrière les 440 000 euros d’argent libyen, perçus le 8 février 2006 sur un compte secret aux Bahamas, se cachait l’intermédiaire Ziad Takieddine. Lors de l’enquête, l’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy avait prétendu ne pas se souvenir de la provenance de l’argent. Il doit répondre aujourd’hui aux questions du tribunal correctionnel de Paris.
C’est un tournant dans l’affaire Sarkozy-Kadhafi. Thierry Gaubert, ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, et intime de son lieutenant Brice Hortefeux, a reçu en février 2006 sur un compte secret aux Bahamas, un an avant l’élection présidentielle, une somme de 440 000 euros provenant des caisses du régime Kadhafi, selon une enquête de Mediapart. L’argent a transité par une société offshore de l’intermédiaire Ziad Takieddine, qui centralisait les versements libyens.
Le parquet général de la cour d’appel de Paris a demandé le rejet intégral de la requête de Nicolas Sarkozy qui réclame la remise en cause de la procédure de l’affaire des financements libyens dans laquelle il est triplement mis en examen. L'ancien président veut choisir ses juges et demande l’immunité présidentielle. Hors de question, répond le parquet général. Audience le 17 octobre.
Selon le mandat d’arrêt délivré contre lui par Interpol en 2012, l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi, Bachir Saleh, a retiré près de 30 millions d’euros en espèces de la banque centrale libyenne entre les mois de février et août 2011, juste avant la guerre. Saleh est soupçonné d’avoir été l’un des hommes clés de l’affaire des financements libyens de Sarkozy.
Un rapport d’expertise vient d’estimer à 250 000 euros le montant des primes remises en liquide au personnel de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Cela vient confirmer l’« absence de sincérité des comptes de campagne » et l’« ampleur de la circulation d’espèces en marge de la campagne » soulignées par les enquêteurs. Ces sommes n’ont jamais été déclarées aux autorités de contrôle.
Ancien directeur du renseignement à la DGSE, Alain Juillet a livré, fin juin, un sévère réquisitoire sur les pratiques de Nicolas Sarkozy et de ses proches en Libye. Il a certifié que les milieux du renseignement français avaient entendu parler bien avant 2011 d’un possible soutien financier libyen aux équipes de l’ancien président.
Les anciens dirigeants d’Airbus Marwan Lahoud et Jean-Paul Gut ont été placés en garde à vue et confrontés, en juin dernier, dans l’affaire libyenne. En 2009, Claude Guéant avait fait pression pour qu’Airbus (ex-EADS) s’acquitte d’une commission au profit d'Alexandre Djouhri sur la vente d’avions à la Libye.
Les questions déontologiques s’accumulent et affaiblissent la défense du clan Sarkozy. Me Francis Szpiner est désormais l’avocat de l'intermédiaire Alexandre Djouhri après avoir défendu l’un de ses accusateurs dans le même dossier. Quant à Me Thierry Herzog, il a déclaré qu’il ne pouvait s’exprimer sur l’un des dignitaires libyens au cœur des soupçons de corruption, Abdallah Senoussi, pour « ne pas entraver les droits de la défense de M. Nicolas Sarkozy ». Mais ses diligences passées au profit de Senoussi ont été confirmées par l’enquête.
Le clan Sarkozy a des raisons de s’inquiéter. Les derniers développements de l’enquête judiciaire dans l’affaire des financements libyens montrent combien les policiers et les juges ont avancé dans leurs investigations sur l’homme d’affaires Alexandre Djouhri, visé par un mandat d’arrêt. Son bras droit, l’ex-banquier Wahib Nacer, a été mis en examen.
Cet été, les sarkozystes ont mené tambour battant une opération de communication, largement alimentée par une série d’articles du Journal du dimanche, pour dénoncer une « machination » dans l’affaire des financements libyens. La manœuvre ne résiste pas à l’examen des faits. Les voici.
La Cour de cassation a rejeté, mercredi 30 janvier, le pourvoi de Nicolas Sarkozy contre l’ordonnance de non-lieu rendue en faveur de Mediapart à propos de la note libyenne attestant d’une promesse de financement de sa campagne de 2007. L’ancien président de la République ne pourra plus se dérober face à ce scandale révélé par notre journal.
Le 11 septembre, Claude Guéant a prononcé cinquante et une fois la même phrase face aux questions des juges de l’affaire libyenne : « J’exerce mon droit au silence. » L’ancien bras droit de Nicolas Sarkozy, cerné par les dernières découvertes de l’enquête, apparaît de fait de plus en plus affaibli dans sa défense.
Mediapart a eu accès à l’intégralité du témoignage transmis par Saïf al-Islam Kadhafi aux juges. Tout en confirmant les versements, le fils du défunt Guide libyen relie les financements de Sarkozy en 2007 à sa promesse d’une révision du procès d’Abdallah Senoussi dans l’attentat en 1989 contre le DC10 d’UTA.
Les archives de l’Élysée ont parlé. Les enquêteurs ont obtenu la trace d’une visite le 16 mai 2009 de Ziad Takieddine à la présidence de la République, pour un rendez-vous avec Claude Guéant. Son objet : « mettre de côté le mandat d’arrêt » visant le Libyen Abdallah Senoussi, principal condamné dans le dossier du DC 10 d'UTA.
L’ancien ministre Éric Woerth, aujourd’hui président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a tenté de déminer devant les juges les accusations judiciaires qui le visent dans l’affaire des financements libyens. Il a expliqué avoir reçu des dons anonymes et en espèces sous enveloppes, mais ses explications, confuses, ont fragilisé sa défense, selon le compte-rendu de son audition.
Détenu en Libye, Abdallah Senoussi a été le cerveau de l’attentat contre le DC-10 d’UTA qui a fait 170 morts, en septembre 1989. Le nom du beau-frère de Kadhafi, alors numéro deux de l’Office de la sécurité extérieure, ainsi que ceux de plusieurs agents libyens, figurent dans les rapports inédits sur les préparatifs de l’opération. Ces éléments pourraient faire rouvrir l’enquête.