De notre envoyé spécial à Bruxelles. – Le contrat a été signé il y a 12 ans. Mais il continue d’alimenter les soupçons de conflits d’intérêts, et les inquiétudes sur l’influence de l’industrie du tabac à Bruxelles. L’éventuelle reconduction de cet accord sulfureux, qui expire en juillet, provoque déjà nombre de remous dans la bulle bruxelloise. Afin de participer au financement de la lutte contre la contrefaçon, Philip Morris International, l’un des principaux fabricants de cigarettes, verse chaque année de copieuses sommes d’argent au budget de la commission comme à ceux des 28 États de l’UE. Sur la période 2004-2016, l’enveloppe atteint 1,25 milliard d’euros.
Faut-il reconduire l’accord ? Et, par ricochets, ceux que la même commission avait conclus dans la foulée avec d’autres géants du tabac, Japan Tobacco (en 2007), British American Tobacco et Imperial Tobacco (en 2010) ? À cette question, les eurodéputés réunis à Strasbourg ont répondu mercredi dernier par la négative. Dans une résolution adoptée avec une nette majorité (414 pour, 214 contre, 66 abstentions), ils « demandent à la commission de ne pas renouveler, prolonger ou renégocier l’accord au-delà de sa date d’expiration actuelle ».
Si l’on s’en tient à la liste des votes sur un paragraphe clé du texte (la seule disponible), une très large majorité du PPE (la droite conservatrice, premier groupe de l’hémicycle par le nombre d’élus) s’est tout de même prononcée pour la reconduction du texte. Mais ces élus ont été mis en minorité par une alliance courant des sociaux-démocrates (à l’initiative du texte) aux Verts, passant par la gauche de la GUE, ou encore le Front national de Marine Le Pen. Ceux des 74 eurodéputés français qui étaient présents ont, eux, quasiment tous voté contre la prolongation de l’accord, tous partis confondus (y compris Les républicains). Seul Aymeric Chauprade, ex-élu FN écarté du groupe l’an dernier, a voté pour la prolongation de l’accord.
« Les 700 000 décès prématurés par an dans l’UE méritent une lutte implacable contre ces entreprises qui bafouent la santé publique et qui (…) financent une armée de lobbyistes pour préserver leur rente et la rémunération de leurs actionnaires », a fait savoir la délégation socialiste française, à l’issue du vote. « Les eurodéputés ont permis de mettre un terme à cet accord de dupes qui aurait permis à Philip Morris de continuer tranquillement ses petites affaires sous couvert de respectabilité. Le parlement européen a su résister au lobbying très agressif des cigarettiers qui s'est manifesté jusqu'au dernier moment », se félicite, de son côté, Philippe Juvin, des Républicains, qui dit avoir beaucoup bataillé, en interne, pour inverser la tendance majoritaire au sein du PPE – en vain. Cet accord avec Philip Morris « revient à confier la lutte contre la criminalité organisée à Al Capone », a réagi, de son côté, l’écolo français José Bové.
Les eurodéputés veulent que la Commission se libère des lobbies du tabac
Les eurodéputés exhortent la commission européenne à ne pas reconduire un accord sulfureux, qui la lie depuis douze ans au géant du tabac Philip Morris. Cet accord «revient à confier la lutte contre la criminalité organisée à Al Capone», estime ainsi l’écolo français José Bové. L’exécutif de Jean-Claude Juncker hésite.
13 mars 2016 à 11h57