Réputée pour son franc-parler, la jeune porte-parole du groupe UMP au conseil de Paris, Lynda Asmani (34 ans, élue du 10e arrondissement et chargée de mission à Bercy), en a fait les frais cette semaine. Dimanche, elle était la première à se lancer officiellement dans la course à la présidence de la première fédération UMP de France, celle de Paris (30.000 adhérents), en déclarant sa candidature dans le JDD. Le lendemain, le président du groupe, Jean-François Lamour la suspendait de ses fonctions de porte-parole.
Pour Lynda Asmani, il s'agit d'un «refus du débat»et d'un «retour aux vieilles méthodes». Si elle affirme ne pas avoir de «preuves» de pressions de la part de Rachida Dati, sa concurrente directe pour la présidence de la fédération de Paris, elle estime avoir été «sanctionnée a priori» par un président de groupe «qui n'est pas à la hauteur» et manque«de courage et d'assurance politique».
A quatre mois des élections internes, la jeune élue du 10e appelle les autres candidat(e)s «à se déclarer en amont» pour qu'il y ait «un véritable débat». Entretien avec une élue qui se présente comme «la candidate de la base».
Comment avez-vous appris votre suspension au poste de porte-parole du groupe UMP?
Lundi, Jean-François Lamour est venu me voir dans l'hémicycle, à 17 heures, pour me dire «c’est compliqué de rester à ce poste», avant d'annoncer, dans un communiqué, que je souhaitais, en attendant l'élection, me mettre en retrait de cette fonction! Ce n’est pas fair-play, il n’y a eu aucune communication pendant trois jours de son côté. A plusieurs reprises, le week-end dernier, avant ma déclaration officielle de candidature dans le JDD, je l’ai appelé. Il ne m’a pas rappelée et m’a évitée toute la journée de lundi.
J'aurais préféré qu'il vienne me dire, samedi, «qu’est-ce que c’est que ça, tu ne peux pas faire ça», j’aurais compris. Mais là j'ai été sanctionnée a priori.
Comment jugez-vous cette décision?
Je ne m’y attendais pas, j’étais consternée. La réaction de Jean-François Lamour est une façon de refuser le débat, c’est un retour aux vieilles méthodes, à la vieille école. Lorsqu’il était candidat, en mars, à la présidence du groupe au Conseil de Paris, il a gagné de deux petites voix. Moi je l’ai soutenu, j’ai fait campagne pour lui, à la différence de certains qui disaient le soutenir et n’ont finalement pas voté pour lui.
Il avait dit qu’il ne serait pas le candidat d’un clan, je pensais qu’il garderait sa fraîcheur et sa spontanéité. J’attendais de lui de la bienveillance et un peu plus de cœur.
"Me museler n'était pas la solution"
Pensez-vous que Jean-François Lamour a été victime de pressions?
Je n’en ai pas les preuves mais c’est possible car il y a une certaine cohérence dans l’enchaînement des événements. Il a attendu de voir des gens dans la journée de lundi, c'est évident. Je pense aussi que ça vient d'une sorte d’autocensure de sa part. Il n’a pas fait preuve de courage et d’assurance politique, il n’est pas à la hauteur qu'on attend d’un leader.
Nicolas Sarkozy a réuni les élus parisiens récemment pour apaiser la situation et leur signifier qu'il suivait de près la vie du groupe. Ces pressions viennent-elles de l'Elysée? Ou bien de Rachida Dati, votre concurrente directe?
Ça ne vient pas de l’Elysée, ça, je peux vous le dire. Car plus haut, il y a des personnes qui pensaient que ma candidature était une bonne chose. J’avais prévenu en amont des collaborateurs de personnalités importantes, de ministres, et des parlementaires. Personne ne m’a dit que ce que je faisais n’était pas raisonnable. Quant à Rachida Dati, je ne sais pas. Je ne suis pas candidate contre elle, comme le prétend Jean-François Lamour.
Je fais de la politique depuis plus longtemps qu’elle, elle est ministre, moi je suis une militante de terrain. Il y a un langage pour parler aux militants, et il faut être accessible, disponible.
Au-delà de votre candidature, n'est-ce pas votre franc-parler qui a été sanctionné?
Sans doute, oui. Quand on a une certaine forme d’indépendance comme moi, on le paye. Je ne suis ni une héritière, ni une chouchoute. Quand on est ni l’une ni l’autre, on remonte ses manches. Mais ils veulent verrouiller un système qui ne peut plus être verrouillé depuis que Nicolas Sarkozy a imposé les primaires à Paris, et heureusement, car on en crevait de la dictature ici!
Les vieux conservatismes tentent toujours de revenir, mais vouloir me museler, ce n’était pas la solution. Et ce n’est pas habile, regardez, aujourd’hui beaucoup de journalistes m’appellent...
"Ce sera soit l'une, soit l'autre"
Vous êtes actuellement la seule candidate déclarée dans la course à la présidence de la fédération de Paris. Vers quelles candidatures s'oriente-t-on, selon vous?
Ce qui est sain, c’est plusieurs candidatures, un débat et une synthèse. Or, aujourd'hui on ne sait pas qui veut être candidat. La politique, ce n’est pas j’observe, je réfléchis. Le fait de me déclarer est aussi une façon de dire «allez-y, lancez-vous et débattons!».
Les élections ont été avancées à novembre, on va y arriver très vite, du 15 au 20 juillet il y aura le congrès de l’UMP puis l’université d’été en septembre. On ne va pas dire une semaine avant le vote «voilà le candidat, votez !» Il faut des candidatures en amont, un véritable débat. Peut-être que Danièle Giazzi [conseillère de Paris du 16e arrondissement] sera candidate, c’est une élue expérimentée.
Concernant Rachida Dati et Christine Lagarde, je ne vois pas comment deux ministres pourraient être candidates, ça me paraît assez illisible. Ce sera soit l’une, soit l’autre.
Quelle est la légitimité de votre candidature?
Je suis une candidate de la base, je ressemble aux Parisiens, ce n’est pas le cas de tous. J'ai démarré en bas de l'échelle, comme simple militante. Aujourd'hui, je ne suis candidate contre personne, mon but est de reconstruire et réconcilier. Le renouvellement des instances doit être un moment de démocratie interne, les militants ont besoin de se parler, il faut un minimum d’interactivité, il faut comprendre la sociologie parisienne.
On a perdu Paris, on ne peut pas faire semblant. Or, ça fait trois mois qu’on ne fait aucun travail d’introspection.
De quels soutiens bénéficiez-vous aujourd'hui?
Le temps des soutiens n’est pas encore venu. Mais suite à ma déclaration de candidature, j’ai eu des réactions positives. Claude Goasguen a considéré que ma candidature était légitime, Philippe Goujon [actuel président de la fédération, qui n'est pas candidat à sa succession], également, c'est quelque chose qu'il comprend, il a d'abord été un militant, comme moi. J’ai reçu une quinzaine de témoignages d’amitié d'élus parisiens qui n’ont pas apprécié cette façon de faire. Ça a évidemment été très mal perçu chez les «Pari Paris» [la jeune garde progressiste de l'UMP parisienne].