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Guerre de tranchées et de candidatures au groupe UMP de Paris

Un président (Jean-François Lamour) et un député-maire (Claude Goasguen) qui règlent leurs comptes en public; une élue suspendue de ses fonctions de porte-parole pour avoir osé défier Rachida Dati dans la course à la présidence de la première fédération de France: au groupe UMP du conseil de Paris, le pluralisme peine à exister. Lire également notre entretien avec Lynda Asmani qui dénonce "le retour des vieilles méthodes".

Marine Turchi

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Il n’y a pas que rue de la Boétie que les différentes sensibilités peinent à se faire entendre. Au sein du groupe UMP du conseil de Paris, on coupe sans état d'âme les têtes qui dépassent.

Entre le député-maire du 16e arrondissement, Claude Goasguen, et le président du groupe de la majorité, Jean-François Lamour, le torchon brûle, et ce n'est pas nouveau. Après des règlements de compte dans la presse, les deux hommes se sont empoignés il y a une semaine, lors d’une réunion de préparation du conseil de Paris de lundi, alors que le second refusait de donner à nouveau la parole au premier.

«Tu me cherches ou quoi ?» a lancé l'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports à Claude Goasguen, qui venait de s'en prendre violemment à lui.


«Disons que cela a été viril. Ils ont quasiment failli en venir aux mains, rapportait un témoin à Libération. Claude Goasguen [qui avait soutenu Jean-François Legaret à l’élection du président de groupe] cherche à exister par tous les moyens (…). Du coup, Lamour est débordé.» «La défaite des dernières municipales a creusé de gros clivages au sein de groupe. Le bilan de cette élection n’a pas vraiment été fait», regrette un des nouveaux élus.
Au sein du groupe, face aux caciques de l’UMP (Claude Goasguen, le député du 8e arrondissement Pierre Lellouche, l’actuel président de la fédération de Paris, Philippe Goujon), et aux élus de l’ouest parisien, confortés aux dernières municipales, la jeune garde s’est organisée après la défaite, autour de l’ancien porte-parole de Françoise de Panafieu, Pierre-Yves Bournazel, l'élue du 18e, Roxanne Decorte, et le chef de file des sarkozystes de gauche, Thierry Coudert.

Baptisée «Pari Paris», elle se veut plus progressiste et aspire à «constituer une opposition constructive à Delanoë», nous expliquait Thierry Coudert en mars (lire notre enquête du 28 mars), notamment en tenant compte de l’évolution sociologique de la capitale.

Guerre de succession

Derrière ces divisions au sein du groupe, il y a surtout une guerre de succession pour la présidence de la première fédération de France, celle de Paris (30.000 adhérents). Initialement prévues en avril 2009, les élections internes de l’UMP ont été avancées à novembre. Si les noms de Rachida Dati, Christine Lagarde et Françoise de Panafieu circulent depuis quelques mois, aucune ne s’est encore déclarée candidate.

Dimanche, dans un entretien au JDD, l’élue du 10e arrondissement, Lynda Asmani, également porte-parole du groupe au conseil de Paris, s’est jetée à l’eau en annonçant qu’elle se lançait dans la course.

Le retour de bâton ne s’est pas fait attendre. Mardi matin,

dans un communiqué (pdf, 0 B)

, Jean-François Lamour annonçait sa suspension au poste de porte-parole. Une décision présentée comme une volonté de la jeune élue: «Lynda Asmani, en accord avec Jean-François Lamour, a souhaité retrouver sa liberté de parole dans le cadre de la campagne qu’elle va mener (...)», explique le communiqué.

«C'est lui qui m'a suspendue!, s'égosille Lynda Asmani (lire notre entretien). Ce n’est pas fair-play, il n’y a eu aucune communication pendant trois jours de son côté, j'aurais préféré qu'il vienne me dire, samedi, "tu ne peux pas faire ça", j’aurais compris. Mais là j'ai été sanctionnée a priori

«Je lui ai demandé ce qu’elle en pensait, lundi soir, au conseil de Paris. Elle a dit "bon, bon, d’accord"», rétorque Jean-François Lamour, qui estime que «sur la forme, [Lynda Asmani] aurait dû [lui] en parler avant. Elle n’a pas eu l’idée de sa candidature le samedi soir pour le dimanche ! Il doit y avoir une relation de confiance entre le président et le porte-parole.»

Sur le fond, le président du groupe UMP estime que, «à partir du moment où elle se permet, dans le JDD, de critiquer les possibles candidatures, il faut qu’elle se mette en retrait. Il faut respecter un certain nombre de règles. Quand on est porte-parole, c’est une voix, celle du groupe. Je ne veux pas qu'on se serve de cette fonction pour sa candidature à la présidence de la fédération».

Jeudi, dans la presse, l'ex-porte-parole du groupe a qualifié les méthodes de son président de «staliniennes». Une réaction jugée «excessive» par Jean-François Lamour. «Ma décision était le bon sens. (...) D’autant que Lynda ne fait pas l’unanimité dans le groupe. Si vous saviez ce que j’ai entendu quand je l’ai proposée à ce poste, j’ai pris un risque ! Ce porte-parolat devait être une évolution pour elle vers une prise de parole plus institutionnalisée, mais elle est repartie dans son fonctionnement d’avant, à la recherche d’articles et de notoriété.»

«Je ne fais campagne ni pour l'une, ni pour l'autre»

Depuis, les regards se tournent vers sa concurrente directe, la garde des Sceaux, Rachida Dati. La maire du 7e arrondissement a-t-elle fait pression sur Jean-François Lamour pour évincer son adversaire? «Je n’en ai pas les preuves mais c’est possible, explique Lynda Asmani. Il y a une certaine concomitance dans l’enchaînement des événements. Jean-François Lamour a attendu de voir des gens dans la journée de lundi, c'est évident.» L'ex-porte-parole du groupe évoque également «une sorte d’autocensure [de la part de Jean-François Lamour]. Il n’a pas fait preuve de courage et d’assurance politique, il n’est pas à la hauteur d’un leader

L'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports dément toutes pressions. «Je suis là pour préserver le mode de fonctionnement du groupe, c’est tout. Je ne fais campagne ni pour l’une, ni pour l’autre», nous a-t-il assuré.

Si les médias aiment bien souligner les points communs entre les deux candidates (toutes deux sont jeunes, ambitieuses et issues de familles d'immigrés), Lynda Asmani, elle, balaye la comparaison d'un revers de la main. «Je fais de la politique depuis plus longtemps qu’elle, elle est ministre, moi je suis une militante de terrain, de la base. Il y a un langage pour parler aux militants, et il faut être accessible, disponible. Moi, je ressemble aux Parisiens

Elle assure par ailleurs «ne pas être candidate contre Rachida Dati, comme le prétend Jean-François Lamour» et «appelle les autres candidat(e)s à se déclarer. Ce qui est sain, c’est plusieurs candidatures, un débat et une synthèse. Or, aujourd'hui on ne sait pas qui veut être candidat. La politique, ce n’est pas j’observe, je réfléchis», tacle-t-elle.

Autre candidate potentielle, la ministre des finances Christine Lagarde pourrait quant à elle faire part de son choix le 26 juin prochain, lors de la réunion qu'elle organise à Bercy avec les élus parisiens. Mais pour Lynda Asmani, les choses sont claires: «Ce sera soit l’une, soit l’autre. Je ne vois pas comment deux ministres pourraient être candidates, ça me paraît assez illisible Il y a un mois, alors qu'il recevait les élus parisiens, Nicolas Sarkozy a précisé qu'il ne «souhaitait pas» que les deux ministres soient candidates et qu'il se chargerait de régler le problème, le cas échéant.

En attendant que ses rivales se déclarent, la conseillère du 10e arrondissement prépare sa propre campagne. Sa première réunion aura lieu début juillet, «avec un débat de fond pour comprendre la sociologie parisienne et les raisons de la défaite de l'UMP à Paris». Il s'agira pour le millier de membres des comités de circonscription d'élire, selon elle, «le premier des militants».

D'ici là, Lynda Asmani ne compte pas la boucler : «Me museler, ce n'était pas la solution», a-t-elle prévenu.