Affaire Darmanin: le parquet classe la plainte de l’habitante de Tourcoing

Le parquet de Paris a classé sans suite l’enquête préliminaire pour « abus de faiblesse » visant le ministre. Cette enquête avait été ouverte après la plainte déposée par une femme, qui accuse l'ancien maire d’avoir profité de sa position pour obtenir des faveurs sexuelles.

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Le parquet de Paris a décidé de classer sans suite l’enquête préliminaire ouverte pour « abus de faiblesse » à l'encontre de Gérald Darmanin, a annoncé mercredi 16 mai l'agence France-Presse. Le ministre de l’action et des comptes publics, 35 ans, étoile montante arrachée à la droite par Emmanuel Macron, était visé par la plainte d'une habitante de Tourcoing, ville dont il a été le maire jusqu'en 2017. La Tourquennoise accuse l'élu d’avoir profité de sa position pour obtenir des faveurs sexuelles.

L'enquête n’a « pas permis de caractériser dans tous ses éléments constitutifs une infraction pénale », a indiqué le parquet à l'AFP. « Aujourd’hui, je veux dire ma gratitude à tous ceux qui m’ont soutenu, a réagi Gérald Darmanin dans un communiqué. Je laisse ceux qui ont sali mon nom et mon honneur à leur conscience. J’avais, de mon côté, immédiatement déposé plainte en dénonciation calomnieuse et il va sans dire que j’irai jusqu’au bout. »

Le ministre avait été entendu le 12 avril par les enquêteurs de la police judiciaire. Déjà auditionné dans le cadre de la première affaire le visant (lire plus bas), le ministre se serait cette fois montré « plus réticent » à répondre aux questions des policiers, selon Le PointDe son côté, l'habitante de Tourcoing avait été entendue le 22 février par les enquêteurs, à qui elle avait fourni une série d'éléments matériels (notamment des SMS, courriers, facture).

Fin février, la plaignante avait raconté à Mediapart, sous le prénom de Sarah, les raisons qui l’avaient amenée à se rendre au commissariat du XVIIe arrondissement de Paris, le 13 février, pour porter plainte contre l’un des ministres phares du gouvernement, maire de Tourcoing et vice-président de la région Hauts-de-France au moment des faits (lire notre article).

Dans cette affaire, deux versions des faits s’opposaient. Sarah avait expliqué aux policiers avoir exposé sa demande de logement et sa recherche d’emploi à l'ancien maire de Tourcoing et l’avait accusé d'avoir profité de sa position de pouvoir pour obtenir des faveurs sexuelles. « Gérald Darmanin a abusé de moi, mais il ne m'a pas forcée à avoir des relations sexuelles avec lui. [...] Je me sentais obligée de le faire pour avoir un logement et un travail », leur avait-elle indiqué. De son côté, le ministre avait assuré n’avoir « jamais abusé de la faiblesse ou de l’intégrité de quiconque ».

Aux enquêteurs, Sarah avait livré un récit apparaissant circonstancié de sa rencontre avec l'ancien maire de Tourcoing en septembre 2015, selon elle, jusqu'à leurs derniers échanges par SMS, au début de l'année 2018.

Selon son témoignage, après leur première relation sexuelle, Gérald Darmanin avait appuyé ses demandes de logement en écrivant aux dirigeants de quatre bailleurs sociaux. Des courriers consultés par Mediapart attestaient d'interventions de l’élu, y compris après son entrée au gouvernement. Au bout du compte, Sarah n'avait pas obtenu de nouveau logement. Le ministre avait fait savoir à Mediapart, par la voix de ses avocats, qu’il avait « sollicité cette instance pour des centaines d’administrés comme c’est le cas de tous les élus ».

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Gérald Darmanin le 12 juillet 2017 à l'Assemblée nationale, à Paris. © Reuters

Cette affaire comporte plusieurs similitudes avec le premier dossier visant Gérald Darmarnin, révélé par Le Monde le 27 janvier. Comme Sarah, la première plaignante, Sophie Patterson-Spatz, une sympathisante UMP et ex-call-girl de 37 ans, avait accusé l'ancien maire de Tourcoing de s’être engagé à intervenir en sa faveur, en 2009, pour débloquer une situation a priori inextricable (la révision d'une condamnation judiciaire). Quelques mois après leur soirée dans un club libertin puis un rapport sexuel à l'hôtel, Gérald Darmanin avait écrit à la ministre de la justice, Michèle Alliot-Marie, en lui demandant « de bien vouloir faire recevoir Madame Patterson [épouse Spatz – ndlr] ou, pour le moins, faire étudier sérieusement son dossier ». Comme pour le logement de Sarah, ses interventions étaient restées vaines. Mais comme pour Sarah, elles semblent avoir tenu en haleine Sophie Spatz plusieurs mois durant.

Là encore, deux versions des faits s'opposent (lire notre article). Gérald Darmanin dénonce des allégations « infâmes ». Face aux enquêteurs, le 12 février, il a reconnu le rapport sexuel, mais l'a estimé consenti. Il a aussi réfuté toute « contrepartie à la relation sexuelle », affirmant qu'il n'avait « pas le pouvoir » de demander une intervention au niveau judiciaire et qu'il ne le lui avait « pas caché ». S'agissant de sa lettre à la ministre de la justice, il a tenté de relativiser : « Des courriers de ce type, j'en rédige de nombreux, comme tous les élus. »

Après le classement – à deux reprises – de sa plainte, Sophie Spatz s'est constituée partie civile auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris. Sa plainte, « pour des faits d’abus de confiance, d’extorsion de consentement sexuel, d’escroquerie au consentement sexuel, de viol, de harcèlement sexuel, avec la circonstance aggravante que les faits commis l’ont été par une personne abusant de l’autorité de ses fonctions », a été enregistrée au greffe le 5 mars. De son côté, Gérald Darmanin a attaqué les deux plaignantes pour « dénonciation calomnieuse ».

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