Le transfert de sept militants dans des prisons métropolitaines alimente depuis samedi une nouvelle vague de violences dans l’archipel. La Cellule de coordination des actions de terrain fait du retour de ses « prisonniers politiques » une nouvelle condition à l’apaisement.
Christian Tein et plusieurs autres militants soupçonnés d’être « les commanditaires » des révoltes qui ont embrasé l’archipel ont été placés en détention provisoire samedi. Certains vont être transférés à 17 000 kilomètres de chez eux. Parmi les suspects, figurent aussi les fils des leaders indépendantistes Jean-Marie Tjibaou et Alphonse Dianou.
Onze militants indépendantistes ont été placés en garde à vue mercredi dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet de Nouméa, notamment pour association de malfaiteurs. Parmi eux : la principale collaboratrice de Roch Wamytan, le président du Congrès de Nouvelle-Calédonie.
Plusieurs militants indépendantistes, considérés comme les « commanditaires présumés » des révoltes qui embrasent la Nouvelle-Calédonie depuis mi-mai, ont été arrêtés mercredi. En s’entêtant à conduire une révision constitutionnelle qui ne verra finalement pas le jour, le chef de l’État a fait perdre des décennies à l’archipel.
Le conflit généré par la révision du corps électoral – suspendue après la dissolution de l’Assemblée – ravive de tous côtés les « vieux démons » du racisme, qui ne sauraient occulter d’autres réalités : celle des discriminations ordinaires envers les Kanak, et surtout, celles du métissage et du vivre ensemble, qui tournent lentement la page de l’époque coloniale.
Le tribunal de Nouméa se retrouve à l’épicentre de la répression judiciaire des révoltes. C’est aussi dans cette enceinte que débutent des enquêtes au long cours, notamment sur les sept morts recensées depuis le 13 mai.
L’historienne Isabelle Merle décrit l’ampleur du legs colonial en Nouvelle-Calédonie et les voies, étroites mais possibles, pour imaginer une décolonisation juste et véritable. Entretien.
Les députés ultramarins de plusieurs tendances politiques affirment leur solidarité avec le peuple kanak. Et déplorent la répression « néocoloniale » du gouvernement contre la révolte des indépendantistes.
Deux hommes ont été incarcérés mercredi pour des actes qui n’ont entraîné aucune blessure ni dégât matériel chiffré. Pour justifier la sévérité des peines, le tribunal correctionnel de Nouméa a invoqué les « circonstances » insurrectionnelles.
En privilégiant l’usage de la force au compromis politique, en évoquant l’idée de soumettre au référendum national la question du dégel du corps électoral, et en niant les racines du problème, le chef de l’État renoue avec les démons de la République.
Plusieurs témoignages recueillis par Mediapart font part de l’absence de contrôle des policiers sur des citoyens d’origine européenne armés, voire de « deals » passés entre eux.
Mercredi 15 mai, dans le quartier de Tuband à Nouméa, un élu loyaliste, Philippe Blaise, a été aperçu au milieu d’une milice armée de battes de baseball, de barres de fer et d’un couteau. Le vice-président de la Province Sud, membre des Républicains calédoniens, les appelle « mes mecs ».
Ni le séjour éclair du chef de l’État ni ses déclarations ambiguës sur le dégel du corps électoral n’ont arrangé le quotidien du quartier populaire de Rivière-Salée, meurtri par deux semaines de crise. Habitants indépendantistes et loyalistes s’accordent pour dire que le président français « a mis de l’huile sur le feu ».
L’économiste à l’université de Nouméa Samuel Gorohouna revient sur l’articulation entre le corps électoral et les déséquilibres inhérents au passé colonial de la Nouvelle-Calédonie. À rebours d’un pouvoir parisien, ivre de normalisation inféconde.
La crise en Nouvelle-Calédonie a mis en lumière l’échec de la stratégie du ministre de l’intérieur, bête noire des indépendantistes. De la loi immigration à Mayotte, Gérald Darmanin multiplie les revers et concentre les critiques, y compris dans le camp présidentiel.
À l’appel du Comité Solidarité Kanaky, une manifestation a rassemblé des centaines de personnes à Paris, samedi 25 mai. Un soutien à la cause indépendantiste et un rejet du gouvernement, alors que la situation sur place reste très tendue.