En écho à la crise des derniers jours en Nouvelle-Calédonie, Mediapart vous propose de découvrir cette semaine un
documentaire éclairant de Maxime Caperan et Éva Sehet sur les trente ans du massacre d’Ouvéa. Filmé en 2018, en marge de la visite présidentielle, il permet de donner la parole aux Kanak, premiers concernés, à un moment où on les entend peu.
La Nouvelle-Calédonie en crise se trouve au centre d’une région longtemps dominée par les États-Unis et ses alliés de façon incontestable, mais où l’influence chinoise se développe rapidement.
Les habitants d’origine européenne ont formé des groupes peu expérimentés militairement, parfois fortement armés. Le haut-commissaire de la République les tient pour responsables de la mort de trois Kanak, mais soutient leur existence.
La Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’homme ainsi que des Néo-Calédoniens ont déposé trois référés contre la décision, annoncée par le premier ministre, de bloquer au nom de l’état d’urgence le réseau social chinois, accusé de diffuser de la propagande. Il s’agit de la première application de cette mesure introduite en 2015.
Accaparé par la situation sécuritaire, le gouvernement peine à ouvrir un horizon politique à propos de l’archipel. Au sein même du camp présidentiel, des voix appellent à confier une mission de médiation à des personnalités extérieures.
Alors que Gérald Darmanin rejette la faute des violences sur la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), ses délégués envoyés en métropole démentent et invitent le gouvernement à l’introspection.
L’anthropologue Michel Naepels est spécialiste de la violence en politique et de ce qui s’ensuit. Il a étudié, en Nouvelle-Calédonie, le passif colonial, les conflits fonciers, les rapports sociaux, mais également l’intelligence collégiale propre à la culture kanak.
Le député socialiste Arthur Delaporte appelle l’exécutif à suspendre son projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral de l’archipel. Selon lui, le premier ministre doit se ressaisir du dossier néo-calédonien.
Nouméa a connu une deuxième nuit consécutive de violences. Affrontements entre jeunes Kanak et forces de l’ordre, incendies, pillages… En fin de journée, tandis que la tension redescendait dans plusieurs quartiers, le haut-commissariat de la République a annoncé la mort de deux personnes.
En trois ans, l’exécutif a bouleversé l’équilibre fragile qui régnait dans l’archipel depuis des décennies. Des violences y ont éclaté en marge de l’examen d’une révision constitutionnelle à laquelle les indépendantistes s’opposent. Le chef de l’État entend désormais sauver une situation qu’il a lui-même rendue désespérée.
Le 22 avril 1988, sur l’île d’Ouvéa, des indépendantistes kanaks attaquent la gendarmerie. Mais l’offensive tourne au drame. Le premier ministre Jacques Chirac décide de mener un assaut meurtrier. L’enquête journalistique va établir les responsabilités cachées.
Deux ans après le troisième référendum d’autodétermination, la Nouvelle-Calédonie doit trouver une suite à l’accord de Nouméa. Une gageure pour les indépendantistes, confrontés à des divisions internes et à un manque de renouvellement.
En plaçant les territoires ultramarins sous la tutelle du ministère de l’intérieur et en chargeant des personnalités clivantes de s’en occuper, le président de la République a consterné bon nombre d’élus et de hauts fonctionnaires. Des Antilles à la Nouvelle-Calédonie, la situation est aujourd’hui critique. Et la rupture bientôt consommée.
Le troisième référendum d’autodétermination a vu le « non » l’emporter avec 96,49 % des suffrages exprimés et une abstention record. L’entêtement du président de la République à conclure le processus de décolonisation, en l’absence du peuple colonisé, rend politiquement caducs les résultats du scrutin.
Pour Charles Wea, envoyé du FLNKS à l’ONU, le troisième référendum est « bidon ». Il annonce que les indépendantistes rompent les négociations avec le gouvernement actuel et attendent celui qui sortira des urnes en avril prochain.
Dans l’archipel stratégique du Pacifique Sud, malgré la volonté de l’exécutif français de régler la question du processus de décolonisation sous ce quinquennat, les communautés se font toujours face. Fortement éprouvé par la crise sanitaire, appelé à ne pas participer à ce vote, le peuple kanak n’abandonne rien de son rêve d’indépendance.