Comment une entreprise en est-elle venue à financer, entre 2012 et 2014, des groupes terroristes ayant pris le contrôle d’une partie de la Syrie, dans le seul but de continuer à faire tourner son usine? Et qu’en savaient précisément les dirigeants du groupe ? C'est l’objet du procès de Lafarge et de ses dirigeants, actuellement en cours devant le tribunal de Paris.
Le tribunal de Paris est entré, mardi 25 novembre, dans le vif du scandale Lafarge : comment une entreprise en est venue à financer le terrorisme islamiste en Syrie, et qui savait quoi parmi les dirigeants du groupe ? Autopsie d’un crime de bureau.
Gestionnaire des risques du cimentier en Syrie, Jacob Waerness avait alerté à plusieurs reprises ses supérieurs de la présence de groupes djihadistes. À l’audience, celui qui est, lui aussi, poursuivi pour financement du terrorisme, se révèle beaucoup plus évasif.
Bruno Lafont, l’ancien PDG du cimentier accusé d’avoir financé le terrorisme islamiste en Syrie entre 2012 et 2014, a assuré à la barre qu’il ne savait rien. L’un de ses adjoints l’a contredit. Dans ce début de procès, chacun s’innocente individuellement, mais tout le monde s’accuse collectivement.
Le cimentier est jugé à partir du mardi 4 novembre, à Paris, pour avoir financé en connaissance de cause des groupes terroristes en Syrie, entre 2012 et 2014. Plusieurs anciens dirigeants, dont le PDG Bruno Lafont, sont également sur le banc des prévenus de ce procès de la cupidité d’entreprise.
Trois juges parisiens demandent la tenue d’un procès à l’égard de la multinationale du ciment et plusieurs de ses ex-dirigeants. Ils pointent dans leur synthèse d’enquête le mobile « strictement économique » du pacte diabolique passé avec l’État islamique en Syrie.
Si la multinationale du ciment est un jour jugée pour avoir financé l’État islamique en Syrie, ce sera grâce à elles : les juristes à l’origine de cette plainte historique, invitées de « À l’air libre » avec Justine Augier, qui publie « Personne morale », un livre sur l’affaire.
Dans son réquisitoire définitif, au terme duquel il réclame la tenue d’un procès contre la multinationale et ses anciens dirigeants, le Parquet national antiterroriste met en pièces la thèse, défendue par plusieurs mis en cause, d’une complicité de la diplomatie et des services de renseignement.
La Cour de cassation a validé la mise en examen pour « complicité de crimes contre l’humanité » de l’entreprise française de matériaux de construction. Lafarge est soupçonné d’avoir scellé un accord financier avec des organisations terroristes en Syrie de façon à poursuivre ses activités sur place.
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Comment une multinationale française en est-elle venue, par pure cupidité, à financer le terrorisme islamiste pour maintenir en activité une usine en Syrie ? Que savaient les services secrets français ? À partir de documents d’enquête inédits, Mediapart a reconstitué les dessous du scandale Lafarge.
La multinationale du ciment, accusée d’avoir financé en connaissance de cause le terrorisme islamiste en Syrie pour y maintenir ses activités, a plaidé coupable aux États-Unis, acceptant de payer une amende de 778 millions de dollars.
Alors que la cour d’appel de Paris avait annulé en 2019 la mise en examen pour « complicité de crimes contre l’humanité » de la multinationale Lafarge, la Cour de cassation a invalidé, mardi 7 septembre, la décision. La mise en cause de la multinationale pour « financement du terrorisme » est par ailleurs confirmée.
Une conversation téléphonique interceptée par la douane judiciaire en octobre 2017 entre l’ex-patron du géant Lafarge, Bruno Lafont, et un communicant parisien lève le voile sur « l’inquiétude » qui a gagné l’état-major de la multinationale, accusée d’avoir financé l’État islamique en Syrie. Jusqu’où va aller l’enquête judiciaire, c’est-à-dire jusqu’à qui ? Révélations.
Évoquant des « risques majeurs » de concertation frauduleuse, de pression ou d’intimidation financière sur des témoins, la juge Charlotte Bilger a réclamé le placement en détention provisoire de Bruno Lafont, mis en examen pour « financement du terrorisme ». En vain.
Les juges d’instruction parisiens chargés de l’enquête pour « financement du terrorisme » visant la multinationale Lafarge ont identifié plus de 15 millions de dollars suspects dont une partie importante a financé, entre 2011 et 2015, des organisations terroristes en Syrie (y compris l’État islamique) dans le seul but de maintenir l’activité d’une usine sur place. Révélations.
Il y a une curieuse absence depuis le début des révélations sur le financement de Daech par Lafarge : celle des actionnaires, et notamment le groupe Bruxelles Lambert, contrôlé par Albert Frère et le Canadien Paul Desmarais, et l’homme d’affaires égyptien Nassef Sawiris. Ni les uns, ni les autres ne sont connus pour être des actionnaires passifs. Aujourd’hui, tout est organisé pour qu’ils soient oubliés.
Le 20 juillet 2016, l’Assemblée nationale, par l’intermédiaire d'une mission d’information présidée par le député Jean-Frédéric Poisson, blanchissait le groupe Lafarge de toute compromission avec des organisations terroristes. Enquête sur un naufrage parlementaire.