Dossier Passe sanitaire et restrictions des libertés
Depuis mars 2020 et le premier état d’urgence sanitaire, la France est passée du confinement au passe sanitaire, devenu indispensable à une vie normale, et s’est engagée début 2022 vers le passe vaccinal. Si la vaccination n’est pas obligatoire, son refus peut entraîner jusqu’à une perte d’emploi. Des restrictions de libertés inédites, qui suscitent des oppositions variées, parfois antagonistes.
Avec 215 voix « pour » et 58 « contre », le projet de loi « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire » a été adopté par le Parlement dimanche, lors d’un ultime vote des députés. Après de nouveaux débats houleux sur l’utilité et la proportionnalité de sa mesure principale : le remplacement du passe sanitaire par un passe vaccinal.
L’Assemblée nationale a voté, dans la nuit de vendredi à samedi, ce qui devrait être la version finale de la loi instaurant le passe vaccinal. Jeudi, la majorité avait pris pour prétexte un tweet d’un élu LR pour mettre fin prématurément aux négociations avec le Sénat. La manœuvre lui a permis de reprendre la main sur un texte que les sénateurs avaient largement amendé.
Mercredi, le Conseil d’État a rappelé que le port du masque ne pouvait être imposé de manière générale. Depuis, les arrêtés pris par les préfets des Yvelines, de Paris, puis de Loire-Atlantique, ont été annulés car ils ne prévoyaient pas d’aménagements en termes de zones et d’horaires.
Près de 2 000 personnes se sont rassemblées samedi dans la métropole auvergnate pour conspuer le chef de l’État, lui reprochant de vouloir diviser les Français sur la question du vaccin après ses déclarations au « Parisien ». En France, les manifestations ont réuni ce samedi plus de 100 000 personnes.
Jeudi, à l’aube, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi instaurant le passe vaccinal. Au terme d’une journée et d’une nuit d’échanges pollués par la sortie d’Emmanuel Macron sur les non-vaccinés, une partie de la droite LR et des élus socialistes ont joint leurs voix à celles de la majorité. Débattu au Sénat la semaine prochaine, le texte ne devrait pas pouvoir entrer en vigueur au 15 janvier, comme le souhaitait le gouvernement.
Les débats sur le passe vaccinal ont débouché sur une suspension de séance à l’Assemblée nationale mardi, pour la deuxième nuit consécutive. Cette fois, ce sont les mots du président de la République qui ont mis le feu à l’opposition.
Contre l’avis d’Olivier Véran, les députés ont refusé de siéger après minuit et d’achever mardi matin l’examen du projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal. Le calendrier du gouvernement est chamboulé : un nouveau créneau a dû être trouvé à l’agenda de l’Assemblée nationale.
Jean Castex a annoncé la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal qui ne pourra être valide qu’avec un schéma complet. Mercredi, déjà, Emmanuel Macron avait jugé « tout à fait possible » l’instauration d’une obligation vaccinale en France, malgré les nombreuses questions que poserait une telle mesure.
Au départ, des soignants et des pompiers hostiles à l’obligation vaccinale ont lancé une grève illimitée. Désormais, la mobilisation déborde. Dans ses revendications, également sociales, dans sa violence, avec des pillages et des incendies. Dimanche, des membres du Raid et du GIGN doivent arriver sur l’île, paralysée.
Constitution de réseaux d’entraide, mise en place de cagnottes de soutien aux suspendus, élaboration de contournements aux tests PCR payants : les initiatives se multiplient dans les villages du sud de la Creuse pour contrer la politique sanitaire gouvernementale et ses effets sur les services publics locaux.
La prorogation de l’état d'urgence sanitaire jusqu’au 31 juillet, examinée aujourd’hui en conseil des ministres, est une nouvelle étape de la transformation des états d’exception en « mode de gouvernement banalisé ». « Sur les six dernières années, la France en aura passé la moitié en “état d’urgence” », rappelle le Conseil d’État.
Au Puy-en-Velay, les militants de gauche hostiles au passe sanitaire doivent d’abord lutter contre un autre adversaire : l’extrême droite, qui a investi les manifestations avec ses pancartes aux relents antisémites et semble avoir désigné le département comme une terre de conquête.
Alors que se tient ce mercredi une journée de mobilisation nationale des médiathèques contre le passe sanitaire, Mediapart publie une série de reportages sur l'acceptation de ce dispositif loin des centres urbains. Premier volet dans les monts du Forez, du Livradois et du Velay, où l’imposition du passe sanitaire a conduit à la fermeture de médiathèques et à l’exclusion d’une partie des utilisateurs de celles restées ouvertes.
Depuis la rentrée, les élèves non vaccinés doivent s’isoler quand ils se retrouvent cas contacts. Or, nombre d’enseignants n’ont pas les moyens de les accompagner correctement.
En plein débat autour de l’utilité et de l’impact économique du passe sanitaire, certains employeurs se saisissent de ce prétexte pour mettre la pression sur leurs équipes. Souvent, ils interprètent mal les mesures sanitaires.
Tandis que les anti-passe mobilisent le thème de la liberté, des critiques leur reprochent d’en avoir une interprétation trop individualiste. Le reproche nécessite pourtant d’être adossé à une conception alternative cohérente de la liberté. Que ne propose pas le gouvernement.