La chercheuse française a suivi pendant plusieurs années les procès villageois « gacaca », ayant permis de faire émerger le jeu des responsabilités locales qui ont tant marqué les survivants.
Que sait-on sur l'annonce du génocide des Tutsis, la livraison d'armes aux génocidaires, le transfert d'argent en France ? Le journaliste Patrick de Saint-Exupéry et la juriste Rafaëlle Maison répondent aux questions de Joseph Confavreux et Edwy Plenel.
Dans la déclaration de politique générale du premier ministre, ses propos sur le génocide au Rwanda me sidèrent. Regarder en face le passé, c'est-à-dire en vérité, sans mensonge. La grandeur de la France, évoquée par Manuel Valls, suppose aussi de regarder nos erreurs. Faudra-t-il des décennies pour que la France regarde en vérité son passé, son histoire ? Dire simplement ce fait d'histoire, que la France fut complice du génocide du Rwanda, est-ce si difficile ?
Les souvenirs des massacres de 1994 sont présents au quotidien dans les têtes des Rwandais, mais aussi dans l'espace géographique, avec des mémoriaux à différents endroits du pays. « Nous avons affaire à l’esprit des gens, et c’est quelque chose de très compliqué », dit une victime pour expliquer la difficulté du travail en cours. Reportage à Biserero et à Nyange, deux lieux de tueries.
Le gouvernement français a annulé sa venue aux commémorations, lundi 7 avril, du vingtième anniversaire du génocide des Tutsis. Cette brusque décision est motivée par les déclarations du président du Rwanda, Paul Kagamé, sur « le rôle direct de la Belgique et de la France dans la préparation politique du génocide et la participation de cette dernière à son exécution même ». Satisfaisant l’injonction d’Alain Juppé de « défendre l’honneur de la France », ce choix marque plutôt son déshonneur. Parti pris.
Vingt ans après le génocide des Tutsis, il est difficile de ne pas admirer les réussites du président rwandais. Mais les éléments les plus sombres de son régime, tus pendant longtemps, menacent de le rattraper.
En dépit d'un effort de rapprochement sous la présidence Sarkozy, le passif entre les deux pays est trop important. Le Quai d'Orsay a fait savoir, ce 5 avril, que la France annulait sa participation aux commémorations du génocide après des déclarations du président rwandais accusant des soldats français d'avoir participé aux massacres. L'ambassadeur de France à Kigali est persona non grata aux cérémonies.
Le génocide des Tutsis qui débute le 6 avril 1994 n'est pas un embrasement soudain. Il a été méthodiquement planifié par le pouvoir hutu d'Habyarimana. À tel point que, dès 1990, de nombreux acteurs français sur place (services, militaires, diplomates) font remonter à l'Élysée des alertes de plus en plus précises. C'est ce que détaille le livre Au nom de la France, guerres secrètes au Rwanda, dont nous publions des extraits.
Il y a vingt ans se produisait le génocide des Tutsis au Rwanda. Jamais autant d’êtres humains ne furent tués en si peu de temps dans toute l’histoire de l’humanité. Si les massacres commencent au mois d’avril, la préparation du génocide débute en amont, notamment avec la propagande de la Radio 1000 collines, créée à l’été 1993. Parcours sonore dans les archives d'un génocide radiodiffusé.
Le premier procès du pôle « génocides » du tribunal de Paris s’ouvre mardi, avec un ex-militaire, le capitaine Pascal Simbikangwa, jugé pour « complicité de génocide et de crimes contre l'humanité » dans les événements rwandais de 1994.
Le premier procès sur le sol français d’un présumé génocidaire est important mais arrive tard, après des centaines de poursuites judiciaires menées notamment par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) situé en Tanzanie.
Les chercheurs français sont mobilisés pour écrire au plus près l’histoire du génocide rwandais. C'est une réponse au récit officiel tissé de mensonges et de vides qu’a construit l’État français pour dissimuler son implication auprès du pouvoir hutu.
Parmi les très nombreux livres publiés à l’occasion du vingtième anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda, celui des historiens Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda remonte jusqu’au XIXe siècle pour examiner la généalogie précise du génocide et mettre en lumière ses origines européennes, à travers l’idéologie hamitique, miroir de celle opposant « Aryens » et « Sémites ».
Comment passer de la guerre ou de la dictature à la démocratie ? La « justice transitionnelle », inconnue il y a 20 ans, est devenue une norme des sociétés en transition. Un ouvrage en fait l'inventaire, à l’heure où les pays arabes veulent bâtir une démocratie.
Le journaliste Patrick de Saint-Exupéry réédite son ouvrage de 2004 qui accuse François Mitterrand, certains de ses proches, une poignée de militaires et plusieurs responsables politiques français, dans le déclenchement du génocide rwandais de 1994. Dans une nouvelle préface, l'auteur s'insurge également contre les autorités françaises de droite comme de gauche, et leurs relais médiatiques qui, quinze ans après les massacres, continuent de dresser des rideaux de fumée pour empêcher la diffusion de la vérité. Entretien.
Les autorités rwandaises se félicitent du rapport d’expertise sur l’attentat du 6 avril 1994, acte déclencheur du génocide. Ce rapport remis au juge Trévidic met à bas la thèse construite par le juge Bruguière et éteint quinze années de polémiques nauséabondes. En désignant comme probables auteurs les ultras du régime hutu, il concorde avec les analyses faites de longue date, mais ignorées en France, par les services de renseignements de plusieurs pays.