Retraites : le coup de force de Macron Parti pris

Retraite des femmes : Macron contredit Macron

Lundi, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a affirmé que le projet de loi sur les retraites n’avait pas à corriger les inégalités entre les femmes et les hommes. Un discours en opposition totale avec les discours d’Emmanuel Macron en 2019. 

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Le naufrage était assuré. En transformant la « grande cause » du quinquennat en « grande com » de la réforme des retraites, le gouvernement s’est embourbé. Et doit maintenant le concéder : non, il n’a pas l’intention de corriger les inégalités entre les femmes et les hommes. Et oui, l’exécutif l’assume.

Invité sur France Inter lundi 6 février, Bruno Le Maire a été limpide : « L’égalité au travail entre les femmes et les hommes est un grand combat, il doit continuer à être livré. Mais ce n’est pas le combat de la réforme des retraites qui, elle, doit nous amener tous à travailler plus longtemps pour garantir la stabilité de notre régime. »

Interrogé sur l’exemple d’une femme née en 1975 et qui devra travailler neuf mois de plus, contre cinq mois supplémentaires pour un homme, le ministre de l’économie a rétorqué : « Ce que je trouve injuste – et on est en train de déplacer le débat –, c’est qu’il n’y ait pas encore l’égalité parfaite entre les femmes et les hommes dans le déroulement des carrières. Notre réforme n’est pas là pour corriger cela. »

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Une ouvrière d’une usine de fabrication d’éclairages scéniques dans les Hauts-de-France en 2021. © Photo Xavier Popy / REA

Au moins les choses sont claires. Et les éléments de langage ont été bien appris. Sur France Info, quasiment à la même heure, Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée, clamait être « profondément féministe », affirmant que « le féminisme, ce n’est pas de venir corriger uniquement à 62 ou 64 ans les inégalités parce qu’en vérité, on vient constater des inégalités qui ont existé tout au long de la carrière ».

Mieux, à en croire Gabriel Attal, ministre délégué aux comptes publics, « les femmes savent bien qu’aujourd’hui, au moment de la retraite, elles sont déjà désavantagées ». Elles le savent, merci bien. Et que compte faire le gouvernement pour régler cela ? Rien. Parce que ce n’est visiblement ni le sujet ni le moment.

En 2019, un tout autre discours 

Qu’il semble déjà loin, le temps où le projet du gouvernement était de proposer une réforme juste et protectrice pour les femmes. Rappelez-vous, c’était en 2019. À l’époque, Emmanuel Macron espérait effacer le mouvement des « gilets jaunes » avec ses « grands débats » et une réforme des retraites qui en changerait tout le mode de calcul. On parlait alors de retraite « par points », ou « universelle » – abandonnée après une forte mobilisation d’une partie des syndicats et en raison de la pandémie de Covid-19. 

Le président de la République voulait un mode de calcul « plus favorable aux femmes »

C’était même au cœur de l’argumentaire du pouvoir pour défendre le projet de loi déposé à l’Assemblée. L’exposé des motifs du texte porté par le premier ministre Édouard Philippe en a gardé la trace.

« Un système de retraite ne peut corriger complètement les inégalités qui affectent les parcours professionnels et les parcours de vie mais il doit prendre toute sa part à leur résorption. C’est pourquoi le système universel renforcera les mécanismes de solidarité, afin que les inégalités entre actifs ne se traduisent pas par des inégalités entre retraités, en particulier entre les femmes et les hommes. Nous ne pouvons plus accepter que la retraite des femmes soit inférieure de près de 42 % à celle des hommes », peut-on y lire. 

L’argument faisait partie des éléments de langage déployés par les élu·es macronistes. Ainsi, dans une tribune de 2019, la députée Renaissance Sophie Panonacle (élue alors sous l’étiquette LREM) explique que le « combat contre les inégalités entre les femmes et les hommes que nous menons, s’il démarre dès le plus jeune âge, est un combat qui doit également se poursuivre au moment de la retraite ».

La République en marche contredit donc Renaissance. Macron s’oppose à Macron. Tout le monde peut changer d’avis. Le contexte peut évoluer. Tout peut s’entendre. Mais l’hypocrisie du gouvernement sur cette réforme des retraites contribue à asphyxier le débat public (lire l’analyse d’Ellen Salvi) et à le priver d’un échange honnête et transparent sur une réforme essentielle pour la protection sociale des Français·es (lire le parti pris de Stéphane Alliès, Carine Fouteau et Dan Israel)

Une réforme défavorable aux femmes

C’est d’autant plus problématique que cette réforme aura des conséquences défavorables sur les retraites des femmes. Dès le début, le gouvernement a fait des femmes un argument phare. Qui lui est revenu en pleine figure, à force de promettre, à tort, un projet juste et protecteur.

Depuis, les ministres dénoncent à tout-va des « fake news » alors qu’ils en sont les premiers promoteurs. La première ministre n’a-t-elle pas dit, face à l’Assemblée nationale, que « les femmes continueront à partir plus tôt que les hommes » ? Or, en 2020 elles ont liquidé leurs droits à la retraite « en moyenne 7 mois après les hommes », souligne la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) dans son panorama 2022 sur « les retraites et les retraités ». 

Signe de la fébrilité – et de l’impréparation ? –, son ministre des comptes publics Olivier Dussopt affirmait alors l’exact inverse, ajoutant ainsi : « Demain, après notre réforme, en moyenne, elles partiront avant. » Faux, là encore. Les écarts vont bien se réduire mais ce n’est pas la réforme qui va le provoquer, comme l’a démontré le journal Libération, en s’appuyant sur des projections de la Caisse nationale de l’assurance-vieillesse et de la Drees. Dans une note de 2019, cette dernière observait ainsi que les écarts se réduisaient à partir de la génération 1950. 

​​« La grande cause du prochain quinquennat, si les Français me font confiance, sera l’égalité femmes-hommes, encore, parce que le travail n’est pas fini », avait promis Emmanuel Macron, en campagne pour sa réélection. Il s’y était déjà engagé en 2017. Cela ressemble de plus en plus à un artifice de communication. 

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Depuis le 7 janvier 2023 notre confrère et ami Mortaza Behboudi est emprisonné en Afghanistan, dans les prisons talibanes.

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