Complaisants, parfois jusqu'à l'aveuglement. C'est la critique faite par certains à propos de la couverture du mouvement des « gilets jaunes » par Mediapart. Une critique qui ne repose guère sur les modes de traitement que nous avons choisis (retrouvez ici l'ensemble de nos articles), mais qui s'articule à une lecture très politique qu'ont nos contradicteurs de ce mouvement, de sa nature, de ses conséquences pour le pouvoir et pour les autres acteurs de la vie publique.
« Les milliers de gilets jaunes qui, depuis deux mois, prétendent faire la loi un peu partout – braillards de Marseillaise, racistes, homophobes, électeurs affichés de Le Pen, agresseurs de routiers étrangers, nervis, cogneurs – ceux-là, vous ne les avez pas vus. […] [Ils] n’attendront plus longtemps avant d’enfiler une chemise brune. C’est ce camp-là qu’a choisi Mediapart. Aveuglé par sa haine de Macron, Mediapart travaille tout à fait consciemment à l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir », accuse par exemple l'un de nos abonnés, B. Girard.

Ce procès nous est fait depuis le premier jour. Il se double de critiques régulières sur notre supposé refus de mettre à une juste place le complotisme déchaîné qui prévaudrait dans le mouvement, doublé d’une virulence verbale insupportable, d’une ambiance factieuse, le tout alimenté par quelques groupes d'ultras déterminés à renverser la République (sur les tentatives de l’ultradroite de se raccrocher au mouvement, lire l’article de Lucie Delaporte)…
Ces reproches ne font que prolonger une discussion permanente – entre amis, au sein des familles (ah, les fêtes de Noël…), des partis, des syndicats, des associations et des médias – sur un mouvement qui, depuis deux mois, a bouleversé le système politique, son agenda, son organisation, ses politiques. La richesse du Club de Mediapart à ce sujet, la multiplicité des billets publiés, la pluralité des opinions et les polémiques témoignent à leur façon que nous sommes bien face à un mouvement qui secoue en profondeur la société française et lui donne le tournis.
Comment avons-nous travaillé ? Les œillères qu’on nous accuse de porter sont la garantie d'un mauvais journalisme, et nous devons au contraire accepter – souhaiter, même – nous faire surprendre et bousculer. Mediapart n'a pas plus et pas mieux que les autres anticipé ce mouvement. Nous n'avions pas dit un mot de la pétition lancée dès le mois de mai 2018 par Priscillia Ludosky contre la hausse des taxes sur le carburant.
Quand cette mobilisation a commencé à prendre corps à la mi-octobre, avec l'annonce d'une journée d'action le 17 novembre et la multiplication de groupes sur Facebook, nous n'y avons accordé qu'un intérêt limité. Dans notre premier article sur le phénomène, le 3 novembre, nous avons préféré décrypter la mesure gouvernementale programmée, nouvelle illustration des tours de passe-passe budgétaires du pouvoir, plutôt que de nous appesantir sur une « contestation qui reprend un des thèmes préférés et traditionnels du populisme de droite, le fameux “automobiliste vache à lait de l’État” ».
Le journalisme ne consiste surtout pas à prédire l'avenir (défaite assurée !), mais à tenter de raconter au mieux le présent. Et les choses se sont précipitées début novembre, avec une progression exponentielle de la mobilisation sur les réseaux sociaux. « Même LR et RN, qui ont pourtant fait du matraquage fiscal contre les automobilistes leur fonds de commerce depuis longtemps, semblent dépassés par l’ampleur d’une mobilisation qui s’est faite largement en dehors d’eux, voire contre eux », écrivions-nous le 8 novembre.
Les gilets jaunes ne sont-ils que des automobilistes en colère ? Le premier reportage que nous leur consacrons, le 15 novembre, constitue pour nous la première d'une longue série de surprises. Décrivant l’organisation des gilets jaunes dans l'Orne, quelques jours avant la première manifestation, il démarre ainsi : « Soulevez le couvercle de la marmite, la colère y couve à gros bouillons. […] Le mouvement iconoclaste du 17 novembre, initialement contre la hausse de la taxe sur le diesel, est devenu cri de colère pour le pouvoir d’achat. »
Depuis, nous avons réalisé des reportages dans une petite trentaine de villes (voir la carte ci-dessous). Une dizaine de journalistes de Mediapart sont partis dans les régions, avec des idées de sujet, des éléments d'analyse mais aussi des points de vue sur ce mouvement fort différents. Allions-nous trouver l'extrême droite à la manœuvre ? Était-ce autre chose qu'un feu de paille alimenté par quelques racistes et furieux ? S’agissait-il de ce « mouvement de beaufs, poujadiste, factieux et rouge brun » décrit par le journaliste de Libération Jean Quatremer ? Les éléments que nous avons rapportés de nos déplacements sont étonnamment homogènes et cohérents entre eux.
Le 17 novembre, pour l’« acte I », nous sommes à Reims, Toulouse et Paris. Et dès ce premier jour, dans les différents cortèges et ronds-points bloqués, les principales caractéristiques des gilets jaunes sautent aux yeux : c'est un mouvement d'abord populaire, qui jette dans les rues une partie des catégories les plus défavorisées, et une classe moyenne menacée de précarisation. Les retraités y sont présents en masse, tout comme les femmes.
Sur le terrain, nous découvrons une mobilisation qui ne ressemble en rien aux précédents mouvements sociaux. Elle se revendique haut et fort comme « apolitique ». Pas de partis, pas de militants, pas de chefs, pas de représentants. C'est un mouvement social large et qui rejette en bloc le système politique, justement parce que ce dernier ne peut pas ou ne veut pas répondre à ses demandes sociales. Enfin, c'est un mouvement de gens qui, très souvent, s'engagent et manifestent pour la première fois.
Dans un pays où le vote d'extrême droite pèse un quart des suffrages exprimés et où le FN/RN est solidement installé comme la deuxième force politique du pays, ses électeurs sont évidemment présents dans les groupes de gilets jaunes. Oui, ils s'expriment, à Toulouse par exemple. « Christian est en roue libre : “La France est un pays de racines chrétiennes, ici on mange du saucisson et on boit du vin rouge. C’est comme ça, je le dis !” », note dès le 17 novembre notre correspondant Emmanuel Riondé.
« Pas de politique, pas d’étiquette »
Souvent, les choses sont moins binaires. À Rouen, le 21 novembre, aux prémices du mouvement, nous interrogeons deux frères, mobilisés depuis le passage controversé aux 80 km/h sur les routes nationales et départementales. Juste avant les gilets jaunes, les deux frères défilaient ensemble contre l'homophobie. Mais sur le rond-point des Vaches, près de Saint-Étienne-du-Rouvray, l’un tique devant le barbecue halal, quand l’autre s’en réjouit.
Deux mois plus tard, nous virons au sud, dans le Var, un territoire connu comme un fief du Front national. Est-ce que la sociologie électorale aura un impact sur la mobilisation des gilets jaunes ? Ce n’est pas l’évidence, loin de là. Oui, sur les ronds-points et dans les discussions, certains parlent de « nos SDF, qu’on abandonne, alors qu’on s’occupe des migrants ». Mais la plupart taisent leurs affiliations, et souvent leurs opinions les plus radicales : « On entend des trucs sur l’immigration de temps en temps, dans les discussions, mais au niveau politique, on n’a vu personne », raconte Géraldine, très impliquée à Toulon. « Les plus virulents, les fortes têtes, ils ne sont pas restés », croit comprendre Fabien, dans la commune du Cannet-des-Maures.

Les dizaines de gilets jaunes rencontrés sur place, à Toulon ou dans les collines du Var, n’en démordent pas. Oui, des électeurs FN sont présents dans le mouvement, comme de nombreux militants de La France insoumise. Non, ils ne tiennent pas les ronds-points. Au campement de Bandol, quand une femme lance un débat sur les milliards « d’aide au développement qu’on balance en Afrique », immédiatement, un autre lui rétorque : « Tu te trompes d’ennemi. » Et ils finissent par toper sur les méfaits du capitalisme mondialisé…
Agression contre une femme voilée, propos homophobes et racistes, injures antisémites, militants de l’ultradroite et des groupes identitaires sur les Champs-Élysées, actes contre les migrants, violences à certains ronds-points, quenelles et chant des soraliens à Montmartre le 22 décembre… Nous avons raconté cela dans nos différents articles et analyses.
Lorsqu’un « chant de la quenelle » a été entonné lors du rassemblement national à Bourges le 12 janvier, notre reportage l'a mentionné. Tout comme nous avons décrit cette pancarte ambiguë, « R.F. : Rothschild Family », affichée sur le château d’eau qui faisait office de point de rassemblement ce jour-là.

Dès le 26 novembre, nous avons aussi raconté comment, en Gironde, les militants de Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan se sont mobilisés dès les prémices du mouvement. Quelques figures de l'extrême droite ont aussi pu tenir quelques ronds-points. À Bar-le-Duc, par exemple, un des quatre groupes de gilets jaunes est en partie piloté par un militant FN/RN local.
Mais il est vrai que dans notre travail, nous n'avons pas fait de ces éléments un point structurant ni explicatif de la nature du mouvement des gilets jaunes. Pour une raison simple : reportage après reportage, ce sont d'autres contours qui se sont précisés, ceux d'un mouvement de masse, tout à fait inédit, ne pouvant se réduire à des manipulations ou des infiltrations de forces politiques.
Il est une première raison à cela : le FN n'est pas un parti de militants. Nous l'avions constaté lors des dernières élections municipales, quand ce parti n'était pas même en mesure de trouver des candidats en nombre suffisant pour constituer ses listes. Autre explication : l'immense majorité des groupes de gilets jaunes sont résolus à ne pas se laisser avaler par des militants politiques.
Chacun revendique cette particularité : « Pas de politique, pas d'étiquette. » Cela dérange les observateurs habitués des mobilisations sociales, y compris parmi nous. Nous avons cherché les « sous-marins », les militants cachés et à la manœuvre. Systématiquement, les gilets jaunes nous ont ri au nez, ou nous ont opposé une vraie incompréhension. Ceux du Var tiquent même un peu à force de se voir poser la question : « L’homophobie, le racisme, l’immigration, on n’en parle pas, c’est pas un sujet chez nous, insiste Pierre. On ne dit pas que ça n’existe pas, mais nous c’est le RIC, l’injustice fiscale et l’injustice sociale, c’est tout. » Porte un gilet qui le souhaite, à la condition qu’il ne le pare pas des couleurs politiques ou syndicales qu’il arbore habituellement.
À Gaillon, dans l'Eure, Alain, technicien chez Renault, résume ce qui se passe sur son rond-point : « Moi, je repars au boulot et je reviens le soir. Il y a dix jours, on se connaissait pas. On se croisait dans la rue et on se disait pas bonjour, là on discute et il y a ce mot : solidarité. On ne pense pas pareil ? On s’en fout. Il y a des cons, des racistes ? On leur demande de se taire. »
Partout, ce discours fait consensus. C’est toute l'originalité et le plaisir de cette mobilisation, de voir se côtoyer « des gens qui ne pensent pas pareil ». Et qui veulent même repousser les divisions qui pourraient apparaître lors des discussions : « On est d'accord sur l'essentiel, pouvoir d'achat, justice, réforme politique. Pour le reste, on discute. Et sur les trucs les plus chauds, l'immigration par exemple, on évite d'en parler », explique un gilet jaune de Commercy. « Ici, il y a du RN, de l’UPR, de la FI, mais surtout beaucoup de gens qui ne sont pas politisés, explique Fabien depuis son rond-point du Cannet-des-Maures. C’est fou mais ça transcende un peu les gens. »
Au fil de nos déplacements, nous avons aussi rencontré une foule d'abstentionnistes, de gens qui de longue date expliquent s'être retirés du champ politique, jusqu’à refuser de se positionner sur le classique axe gauche-droite. L'abstention est traditionnellement l'angle mort du pouvoir politique et des commentateurs. On la déplore, pour aussitôt l'oublier. 52 % d'abstention au premier tour des législatives 2017 ; 25 % au second tour de la présidentielle 2017 ; 56 % aux européennes de 2014 ; 50 % aux régionales et départementales de 2015. Et si le « peuple des ronds-points » était aussi massivement celui des abstentionnistes ?
Des classes populaires qui rejettent le système de délégation ou de représentation ; qui ignorent ou refusent tous les codes classiques de la politique ; des manifestants bien souvent sans culture politique ou sans expérience d'organisation ; d'autres qui assument volontiers une certaine violence – « Si on me gaze ou qu'on me tape, j'y vais, je réponds », nous dit-on à Vernon. Et une rhétorique saluant le « réveil du peuple » pour renverser « les élites ».
Complotisme et « confusionnisme »
Nous avons également croisé, en masse, des militants et des électeurs de gauche. Sur les ronds-points, dans les manifestations ou les blocages. Ainsi de Claude, ancien prof d’histoire lorientais de 63 ans. Compagnon de route de la gauche de la gauche, de toutes les manifestations bretonnes depuis presque cinquante ans, il se régale de voir « le peuple qui remue », dans « une ambiance d’enfer », et de côtoyer du matin au soir ceux qu’il n’a « jamais vus dans les mobilisations classiques ». À Bourges, c’est Nella, éducatrice spécialisée à la retraite venue de Nevers, qui retient avec peine ses larmes : « Ça fait des années que j’attends les gilets jaunes. J’ai loupé Mai-68, je n’allais pas louper 2018 ! »
Ces militants traditionnels de la gauche radicale semblent avoir fait le choix de jeter aux orties ce qui a longtemps structuré leur camp, le combat à la vie à la mort contre les « fachos », ce qui achève de déboussoler les commentateurs. « Ici on fait fi de ces différences, mais on les cache pas non plus », résume Fabien, proche des Insoumis, dans le Var.

Ce qui vaut pour l’engagement politique vaut pour les étiquettes syndicales. Les militants de la CGT, de Sud ou même de la CFDT – à Montceau-les-Mines, Pierre-Gaël Laveder, encarté CFDT, est l’un des piliers du mouvement – sont présents depuis le départ, ou presque. À Fleury-sur-Andelle, dans l'Eure, Leïla est délégué syndicale CGT dans son usine. « Mais ici, je suis citoyenne, pas de gilet rouge ! », insiste-t-elle. À Lorient, Pascal, militant Unsa, se dit très content que ce soit ainsi : « Toutes nos étiquettes, on les laisse au vestiaire, ici c’est le citoyen qui parle. » Bon nombre expliquent que, même engagés, ils sont fatigués des contraintes d'appareil et d'organisation.
Dans ce grand méli-mélo d’opinions et de débats, il est difficile de ne pas voir surgir à un rythme inquiétant des théories complotistes. Lorsque nous nous sommes rendus à Lorient, c’est le « pacte de Marrakech » qui enfiévrait les esprits. Pourtant non contraignant, ce texte était régulièrement présenté comme devant conduire à céder la souveraineté de la France à l’ONU, pour mieux y laisser pénétrer des migrants. Plusieurs responsables politiques de droite et d'extrême droite ont repris ces accusations, à divers degrés. Mais parmi les gilets jaunes, c’est Maxime Nicolle, alias « Fly Rider », qui a largement contribué à faire émerger cette théorie.
Cette influente figure du mouvement (qui a aussi participé à la mise sur orbite du référendum d’initiative citoyenne) saute régulièrement à pieds joints dans ce type de théories farfelues. Il a dit à plusieurs reprises ne pas croire sur parole le gouvernement lorsqu’il s’agit de qualifier l’attentat de Strasbourg d’acte terroriste. D’autres de ses élucubrations, comme les révélations de « Monsieur X », qui risquaient selon lui de conduire à une troisième guerre mondiale, ont fait flop. Interrogée lors d'un Mediapart Live sur ces sorties de route régulières, Priscillia Ludosky, autre figure de proue du mouvement mais qui n'a jamais versé dans le complotisme, a répondu qu'il fallait laisser chacun s'exprimer librement.

Avant le début du mouvement, Maxime Nicolle a par ailleurs affiché à plusieurs reprises ses sympathies pour le FN sur Facebook. Faut-il voir pour autant dans ses opinions complotistes assumées un marqueur de l’extrême droite, qui se répandrait tout au long des connexions des gilets jaunes ? Nous sommes plutôt tentés de suivre la sociologue Dominique Pasquier, qui a consacré un livre remarqué à L’Internet des familles modestes, et qui rappelle que le public des gilets jaunes s’informe généralement très peu et ne fréquente quasiment pas les médias traditionnels. « Chez les personnes que j'ai observées, quand on parle de politique avec ses amis sur Facebook, c’est sous la forme du coup de gueule, sur des infos non vérifiables et non vérifiées », souligne la sociologue.
Cette absence d’information, et de formation, couplée à la volonté de rejeter les étiquettes, peut conduire à un net effacement des bornes politiques, et à des regroupements peu réjouissants. Ce vendredi 18 janvier, les gilets jaunes de Toulon organisent au Zénith une « agora citoyenne » accueillant Étienne Chouard, héros du « Non » au référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005 et théoricien du RIC. Chouard a largement été mis à l’index à gauche pour avoir assumé, en 2013-2014, de côtoyer l’antisémite Alain Soral, dont il ne partage pas les idées, mais qu’il glorifiait néanmoins comme un respectable « résistant à l'Union européenne ».
Seront aussi présents le journaliste Vincent Lapierre, très apprécié des gilets jaunes pour ses vidéos engagées auprès d’eux, malgré sa proximité affichée avec Dieudonné, ou Régis Chamagne, ex-colonel de l’armée de l’air invitant dans un livre le peuple français « à ne plus subir le joug d’une classe apatride qui a planifié sa destruction ».
Ces invitations sont assumées par Géraldine, l’une des organisatrices, qui rejette pourtant fermement toute accointance avec l’extrême droite : « Nous revendiquons le droit d’être bousculés, c’est trop facile de n’avoir que la parole de l’État, du prof de fac du coin qu'on voit partout dans les médias mainstream, explique-t-elle. On arrête de suivre une personne parce qu’on l’aime bien, parce que c’est confortable. On va aller prendre ce que les gens ont à nous donner. » Quitte à laisser la porte grande ouverte à des militants politiques autrement mieux structurés, et sans ambiguïtés sur leurs buts politiques ? C’est la thèse de Philippe Corcuff, interviewé ici, pour qui le « bain idéologique confusionniste » dans lequel baignent une partie des gilets jaunes est propre à favoriser les thèmes chers à l’extrême droite.
« Les seuls bénéficiaires de ce mouvement seront l'extrême droite et Marine Le Pen », anticipent en chœur nombre des observateurs critiques des gilets jaunes. Pour l’heure, c'est ce qu'indiquent les entreprises de sondages. C'est aussi ce que peut laisser penser le paysage politique, où les forces politiques de gauche sont en plein désordre.
Mais cette histoire n'est justement pas terminée et donc ne peut être écrite. À Béziers, ville d'extrême droite dirigée par Robert Ménard, Marc, un militant de La France insoumise, dit être présent depuis le début sur les ronds-points : « Nous ne rencontrons pas ces gens d'ordinaire et c'est très intéressant. Si nous n'y sommes pas, oui, droite et fachos emporteront la mise. »
L'accumulation de surprises depuis deux mois laisse présager de nouveaux développements inédits. Comment la gauche dans son ensemble choisira-t-elle, ou non, de s'en saisir et de s'y investir ? Comment les groupes de gilets jaunes, qui sont autant d'écoles de formation accélérée à la politique, évolueront-ils dans les semaines à venir ? Ce qui est aujourd'hui un mouvement populaire se disloquera-t-il sous le poids de sa diversité et de ses contradictions ? Portera-t-il au contraire, face au gouvernement, un projet plus structuré ? C'est toutes ces questions que nous tenterons d'éclairer en poursuivant nos reportages au plus près du terrain et de ses acteurs.