Le fonds public d'indemnisation des victimes du Mediator, qui vient d'entrer en vigueur, risque d'être utilisé comme un dispositif de protection évitant de mettre au jour la responsabilité et les défaillances de l'Etat.
En quelques jours, le gouvernement a présenté deux projets de loi pour lutter contre les conflits d'intérêts: l'un fait suite au scandale du Mediator, l'autre à l'affaire Woerth. Mediapart a comparé le régime réservé aux experts sanitaires d'un côté, aux ministres et à leurs conseillers de l'autre. Révélateur.
Selon un rapport du Centre de pharmacovigilance de Besançon, quatre patients atteints d'hypertension pulmonaire après avoir pris du Mediator étaient recensés dès 1994.
Une note inédite d'octobre 1995 révèle que l'Agence du médicament savait dès le début que le Mediator était un anorexigène et que sa «sécurité d'emploi» faisait l'objet d'une surveillance par les centres de pharmacovigilance.
Le professeur Jean-Michel Alexandre a été considéré pendant quinze ans, jusqu'en 2000, comme le patron du médicament en France. Interrogé le 10 février par la mission parlementaire d'information sur le Mediator, il a adopté une ligne de défense simple: tirer sur tout ce qui bouge. Avec un credo: tout le monde est fautif, sauf lui.
L'audition d'un directeur scientifique de Servier pourrait préfigurer le système de défense des laboratoires dans les procès du Mediator à venir. En se défaussant systématiquement sur l'administration sanitaire, il retrouve des réflexes utilisés dans le procès du sang contaminé. Analyse.
«Je ne m'explique pas pourquoi nous n'avons rien fait», confesse le conseiller au médicament de Jean-François Mattei en 2002. Les anciens membres des cabinets Guigou et Kouchner n'ont pas meilleure mémoire: dès 1999 pourtant, au vu de son manque d'efficacité, le Mediator n'aurait plus dû être remboursé.
Ministres, Elisabeth Guigou, Bernard Kouchner et Jean-François Mattei ont reçu des notes de leur administration leur demandant de moins rembourser le coûteux Mediator. Sans que rien ne se passe.
La commission d'autorisation de mise sur le marché des médicaments a la responsabilité de proposer qu'un traitement soit autorisé, puis, en cas d'alerte, qu'il soit retiré du marché. Mediapart a épluché les liens qu'ont ses 30 membres nommés avec les laboratoires. Presque tous ont perçu de l'argent de leur part ces dernières années au titre de diverses activités. Ces experts peuvent-ils ensuite être indépendants? Etat des lieux.
Quand a-t-on su que le Mediator était dangereux? A quel moment disposait-on d'arguments scientifiques suffisants pour justifier le retrait du médicament de Servier? Pour en juger, voici, de 1963 à 2011, la chronologie complète de l'affaire Mediator.
Non content de faire du lobbying auprès des ministres, députés et médecins, le laboratoire Servier touche l'administration. Mediapart a découvert le cas d'une pharmacienne chargée des vigilances sanitaires mariée à un pneumologue de Servier.
Mediapart publie plusieurs documents officiels qui démontrent que, dès 1998, soit onze ans avant le retrait du médicament, les dangers du Mediator étaient identifiés. Des informations «escamotées», s'insurge aujourd'hui le député socialiste Gérard Bapt.
Mettre sur le marché américain une molécule dont la toxicité venait d'être prouvée, c'est le douteux exploit des laboratoires Servier en 1996. Ce précédent éclaire crûment l'affaire du Mediator qui éclate aujourd'hui.
Dix ans après l'article dans lequel il mettait en cause l'Isoméride, le professeur Lucien Abenhaim signait encore une étude pour le compte de Wyeth, un laboratoire lié au fabricant du Mediator.
Lucien Abenhaim, directeur général de la santé de 1999 à 2003, assure que ses liens avec Servier se sont déteriorés en 1996, lorsqu'un de ses articles mit en évidence les dangers de l'Isoméride. Or, en 1997, il travaillait sur une autre étude, financée par... Servier.