Le 16 décembre 2023, Benjamin Nétanyahou s’est déclaré « fier d’avoir empêché la création d’un État palestinien ». Le premier ministre israélien se vantait ainsi d’avoir constamment menti à la communauté internationale et, en premier lieu, aux États-Unis, principal soutien d’Israël (lire les analyses de François Bougon et de René Backmann).
Tandis que ses alliés maintenaient l’objectif d’une solution à deux États, et donc de la reconnaissance d’un État palestinien, l’homme qui, aujourd’hui, dirige Israël dans une alliance avec une extrême droite colonialiste et raciste s’acharnait à ruiner cette hypothétique perspective. Ce fut, de fait, l’objectif, tel un apprenti-sorcier, de son appui tactique au Hamas afin de délégitimer l’Autorité palestinienne.
C’est donc bien ce qui est en jeu avec la riposte génocidaire de l’armée israélienne aux massacres de civils commis par le Hamas le 7 octobre : la persistance ou la destruction de l’idée même d’une Palestine comme réalité politique indépendante et souveraine. Une idée qui, depuis l’expulsion de 1948 – ce que les Palestiniens nomment la Nakba – a survécu à l’oubli grâce à la ténacité du mouvement national palestinien coalisé, dans sa pluralité, autour de Yasser Arafat au sein de l’OLP.
Elias Sanbar en est le témoin, à la fois acteur et conteur, et à ce titre souvent invité par Mediapart (voir par exemple deux entretiens vidéos de 2021 ici et là). Né en 1947 à Haïfa en Palestine mandataire, dans une famille palestinienne chrétienne qui fut chassée un an plus tard, il a grandi au Liban avant de venir poursuivre ses études en France en 1969. Militant du Fatah, membre du Conseil national palestinien, chargé de la question des réfugiés lors des négociations de paix de 1993 à 1996, il participa en 1981 à la création, aux Éditions de Minuit, de la remarquable Revue d’études palestiniennes. Puis il fut longtemps et jusqu’à récemment, l’ambassadeur de la Palestine à l’Unesco.
De livre en livre, dont notamment Le Bien des absents en 2001, en même temps qu’il traduit la poésie de Mahmoud Darwich, Elias Sanbar raconte cet entêtement de la Palestine à, tout simplement, exister quand, depuis 1948, l’on voudrait l’effacer. Dès le 14 octobre, soit une semaine après les massacres de civils commis par le Hamas en Israël et alors que l’offensive israélienne n’avait pas encore commencé, il nous confiait, avec une tragique lucidité : « Nétanyahou a la volonté de vider Gaza de son peuple. »
En cette fin d’année où nous assistons impuissants à la destruction meurtrière de Gaza et en écho à la récente exposition de l’Institut du monde arabe à Paris (jusqu’au 31 décembre) dont il est le commissaire, nous avons donc demandé à Elias Sanbar ce que la Palestine dit au monde.
• Le premier volet : un entretien d’Elias Sanbar avec Rachida El Azzouzi et Antoine Perraud sur la poésie de Mahmoud Darwich.















