Parce que la démocratie est un bien « sacré » (sic), Marine Le Pen prétend « redresser » les institutions. Le choix du verbe marque une légère inflexion par rapport au programme du FN en 2002 : là où Jean-Marie Le Pen parlait d’un « relèvement » (suggérant que l’Etat s’était «couché»), la patronne du Front appelle à un simple « redressement » – reprenant le mot fétiche de Martine Aubry durant les primaires.
Son diagnostic, en clair, est un peu moins sévère à l’égard de la Ve République que celui de Jean-Marie Le Pen, ses « solutions » parfois moins radicales – en apparence. Plus question, par exemple, de faciliter le recours à l'état d'urgence pour le Président. Les classiques de l’extrême droite, cependant, restent bien au rendez-vous, de la glorification du référendum à la re-centralisation. Il faut également décrypter les «blancs» : le FN ne veut pas, visiblement, renforcer les pouvoirs du Parlement ni les droits de l'opposition.
- Vénération du référendum
Aux joies de la démocratie représentative, l’extrême droite a toujours préféré la « démocratie directe ». Ainsi, la présidente du FN regrette «l’absence de recours quasi systématique au peuple via l’organisation de référendums ». Mais elle se fait moins précise que son père, qui programmait une ribambelle de consultations dans son programme de 2002 (sur l’immigration et la préférence nationale dès 2002, la « paix civile » et la peine de mort en 2003, le rétablissement des frontières douanières en 2004, etc.). Lui, c’était le plébiscite permanent.
Elle, en réalité, ne fait qu’une promesse : un référendum sur les institutions. A l’avenir, d’ailleurs, elle souhaiterait interdire aux parlementaires de réviser la Loi fondamentale : « Seul le peuple pourra défaire ce que le peuple a fait. » Sur ce sujet de la démocratie directe, enfin, le FN dispose d’une cartouche en moins par rapport aux présidentielles précédentes : Nicolas Sarkozy a en effet instauré le «référendum d’initiative populaire», une vieille promesse de Jean-Marie Le Pen. La présidente du FN se contente donc, comme le PS, de prôner un desserrement des conditions de sa mise en œuvre : 500.000 signatures citoyennes pour l’enclencher, contre 4,5 millions exigées dans le dispositif actuel.
- Le culte de la proportionnelle
Marine Le Pen veut l’instaurer à toutes les élections, locales et nationales, pour encourager le « pluralisme politique ». Elle ne précise pas s’il s’agirait d’une simple dose ou d’une « proportionnelle intégrale ». L’objectif (recevable en soi) : en finir avec un scrutin majoritaire qui empêche certaines formations, dont le FN, d’entrer au Parlement. Marine Le Pen argumente cependant à l’aide d’une phrase ambiguë : «Un parti politique obtenant 20 % des voix au premier tour peut se voir purement et simplement privé de représentation politique à l’Assemblée nationale.» Sous-entendu : c’est le cas du Front national.
Rappelons qu’en réalité, la formation de Marine Le Pen n’a pas dépassé 4,29 % des suffrages exprimés aux législatives de 2007 (soit 2,54 % des inscrits), et que seuls deux partis ont dépassé 20 % : l’UMP et le PS. Notons, enfin, que l’un des principaux arguments utilisés par les partisans de la proportionnelle d’habitude – la possibilité d’instaurer une parité absolue – n’est jamais cité dans le projet.
- Une croisade anti-décentralisation
Le FN, partisan d'un Etat fort et centralisé, veut en finir avec le «clientélisme» des collectivités territoriales. Au menu : des pouvoirs dopés pour les préfets, représentants de l’Etat dans les départements (qui exerceraient un contrôle de légalité sur « l’ensemble des décisions des collectivités engageant un montant significatif de dépenses»). La « clause de compétence générale » (qui autorise les exécutifs locaux à intervenir sur tous les sujets) serait aussi supprimée, parce qu'elle favorise «les dérives féodales».
- La foi dans le septennat
Si Marine Le Pen accède au pouvoir en 2012, le mandat présidentiel repassera à sept années, « non renouvelables », et ce « dès 2017 » – elle pourrait en clair enchaîner deux mandats. « Cette mesure serait un gage d’honnêteté et d’efficacité dans la politique menée par le Chef de l’Etat qui doit agir uniquement en fonction des engagements qu’il a pris devant les Français et non pas en vue de sa future réélection», écrit le FN. Marine Le Pen n’est pas la seule à pointer les inconvénients du quinquennat : déjà en 2010, Martine Aubry déclarait à Mediapart : «(En cinq ans), on est obligés de faire les choses rapidement et brutalement, car la visée électorale est plus importante que la visée politique. »
Mais à l’inverse du PS, le FN n’a jamais cru au quinquennat une seconde, qui ne collait pas avec sa vision d’un homme fort aux manettes. Rappelons que le « septennat sec », s’il a été défendu par Edouard Balladur ou Raymond Barre, est d'abord un héritage des monarchistes.
- La croisade anti-corruption
Le FN souhaite « imposer, comme dans la plupart des pays démocratiques, le contrôle des notes de frais et de représentation de tous les exécutifs ». Principe déjà mis en œuvre en Grande-Bretagne notamment. Il veut aussi interdire le cumul des mandats exécutifs. Mais sa vision apocalyptique d’une classe politique contaminée jusqu’à l’os manque singulièrement de nuances. A l’entendre, tous les élus jongleraient avec les enveloppes, sans plus savoir ce qu’ils touchent. De ce point de vue, la « gaffe » de Marine Le Pen, le 5 février dernier sur M6, ne manque pas de sel. Interrogée sur son indemnité d’eurodéputée, elle a répondu bénéficier de 5.200 euros net par mois. En réalité, le montant s’élève à 6.200 euros (sans compter les indemnités de présence, ni les enveloppes de frais généraux ou frais de voyages).