« Plusieurs mois de SMS d’incitation sexuelle »

Elen Debost, adjointe à la jeunesse EELV de la mairie du Mans depuis deux ans, raconte avoir été victime du même procédé. C’était en 2011. À l’époque, elle n’est qu’une « jeune militante qui monte ». Au moment de la désignation des candidats aux législatives, prévues l’année suivante, Denis Baupin la sollicite parmi des dizaines d’autres pour recueillir son soutien. Proche politiquement de ce cadre historique des Verts, Elen Debost accepte.
Commencent alors « plusieurs mois de SMS d’incitation sexuelle de M. Baupin après lui avoir dit que je n’étais pas intéressée, que j’avais quelqu’un dans ma vie, que je ne souhaitais pas entretenir ce type de relation ». « Les refus polis n’étaient pas entendus », explique-t-elle. « Au total, j’ai reçu une centaine de messages. Du type “Je suis dans un train et j’aimerais te sodomiser en cuissarde”. “J’adore les situations de domination. Tu dois être une dominatrice formidable.” “J’ai envie de voir ton cul.” » Les messages ont brutalement cessé. Depuis, les deux écologistes s’évitent.
Le témoignage audio d'Elen Debost
Annie Lahmer est conseillère régionale d’Île-de-France EELV. Adhérente des Verts depuis une vingtaine d’années, elle a un temps été salariée par son parti. C’était à la fin des années 1990, pour la campagne des européennes emmenée par Daniel Cohn-Bendit. Au siège, alors installé rue Parmentier à Paris, « la militante lambda qui avait besoin de son boulot » croise souvent Denis Baupin, alors porte-parole national des Verts. « À l’époque, chaque 14 Juillet, Jean-Luc Bennahmias [alors secrétaire national des Verts – ndlr] organisait une grande fête. Et Denis Baupin m’a invitée à y participer. Il a insisté lourdement, il m’envoyait des SMS, y compris la nuit. » Annie Lahmer s’y rend finalement, accompagnée de deux amis, « histoire d’être tranquille », se souvient-elle. « J’ai senti qu’il n’était pas très content. »
Le témoignage audio d'Annie Lahmer
Peu après, elle se retrouve seule avec lui au siège du parti. « Quand on est en campagne électorale, on finit souvent assez tard. Un soir, j’étais dans le bureau de Jean-Luc Bennahmias, qui n’était pas là… J’étais seule avec Denis. Il s’est mis à me courir après autour du bureau. C’était complètement loufoque comme scène. Je me suis arrêtée d’un côté du bureau et je lui ai dit : “Écoute Denis, t’as qu’à sauter par-dessus.” Il m’a répondu : “Mais je suis capable.” Et je lui ai dit à ce moment-là : “C’est du n’importe quoi ton truc.” Et je suis partie. Le lendemain matin, j’arrive, je reprends mon boulot. Denis est là, il ne me dit pas bonjour. Je lui dis : “Écoute Denis, donc à partir du moment où on veut pas coucher avec toi, tu ne dis plus bonjour.” Il a pointé son index sur moi en disant : “Toi t’auras jamais de poste au sein du parti.” Ça s’est arrêté là. » Quelques années plus tard, Annie Lahmer quittera son poste au parti pour rejoindre la mairie de Paris, où elle travaille depuis.
Mais elle n’a pas été la seule collaboratrice à avoir maille à partir avec Denis Baupin. Plusieurs autres femmes, liées par leur métier à EELV, nous ont confirmé avoir aussi été la cible du vice-président de l’Assemblée nationale. En 2012, Denis Baupin vient d’être élu député. Il rencontre une collaboratrice d’une collectivité d’Île-de-France, travaillant avec d’autres écologistes. Pendant plusieurs mois, raconte-t-elle, elle a reçu des « SMS lourdingues à des heures improbables, du type “cela me ferait plaisir d’aller boire un verre”, “tu es vraiment très belle”, “qu’est-ce que tu fais ce soir ?” ».
« Cela a duré six mois, à chaque fois qu’il me voyait, explique la jeune femme. J’étais gênée, j’avais un peu honte. Du coup je n’osais pas lui dire frontalement. Mais j’ai fini par lui envoyer un SMS menaçant de prévenir sa compagne et expliquant que je ne coucherais jamais avec lui. » Denis Baupin a arrêté. « C’est le cas typique de la collaboratrice qui se fait draguer par un gros lourd. C’est le lot quotidien de toutes les jeunes femmes qui bossent en politique… C’est partout pareil », déplore-t-elle. Mais, au regard de la loi, cela peut être considéré comme du harcèlement sexuel.
À l’Assemblée nationale, au moins deux collaboratrices travaillant avec les écologistes ont fait part à leurs collègues ou aux députés du groupe d’un incident. Un jour, selon des sources concordantes au sein du groupe écologiste, une salariée s’est retrouvée, seule, dans un ascenseur de l’Assemblée, avec Denis Baupin. « Il lui a pincé les fesses. Il s’est pris une baffe ! », expliquent ces sources qui ont requis l’anonymat. Il n’a plus jamais rien tenté.
Au moment de la loi de transition énergétique, dont Denis Baupin était rapporteur à partir de l’automne 2014, une autre collaboratrice de l’Assemblée a reçu plusieurs messages du député. « Il y a eu un comportement qui n’était pas des plus adéquats », explique-t-elle, tout en refusant de donner davantage de détails. Elle craint que l’épisode ne soit « utilisé à mauvais escient ». « C’étaient quelques messages un peu trop amicaux. Ils ne sont pas graves, ils n’ont pas de caractère sexuel. Ils étaient juste un peu déplacés. Ce n’est pas du harcèlement sexuel. »
« C’était de la drague du type “Rejoins-moi dans mon bureau” », confie une autre source à l’Assemblée. Sauf que la position de subordination député/salariée du groupe peut changer la nature des faits, et constituer du harcèlement sexuel. La collaboratrice, elle, confie simplement avoir été « gênée par son comportement » et s’en est émue. « Lorsque j’ai signalé ces faits aux coprésidents, ils ont réglé cela en tête à tête avec lui et il s’est immédiatement arrêté. Suite à cela, j’ai continué à travailler avec lui, sans aucune gêne. »