Notre rentrée littéraire 2016
L’équipe de Mediapart vous propose de découvrir au fil des semaines les principaux romans qui nous séduisent en cette rentrée 2016.
«33 révolutions», le blues cubain de Canek Sanchez Guevara

Canek Sanchez Guevara, petit-fils du Che, n’aura écrit qu’un seul roman avant de mourir à 40 ans, en janvier 2015. Cent douze superbes pages, à lire et relire en face A, en face B, comme il l’écrirait à propos du disque rayé de sa vie. Extrait en fin d'article.
Edna O'Brien, par-delà le bien et le mâle

Lorsque, avec ensemble, la presse anglo-saxonne a salué la parution des Petites Chaises rouges comme une œuvre majeure (avec appel du pied pour le Nobel), Edna O’Brien, irlandaise, 84 ans, pas mal de prix littéraires à son actif, a sobrement commenté : l’était temps. De la lire, surtout, si ce n’est déjà fait.
«Anarchy in the UKR», «Anthracite»: deux écrivains vont au charbon

L’Ukrainien Serhiy Jadan et le Français Cédric Gras publient chacun un road novel, épiques traversées des régions de l’Est et du Donbass. Comme si seuls chronotope et mouvement pouvaient rendre compte d’un réel fracassé, contradictoire et intensément vivant. Extrait du livre en fin d'article.
Emmanuel Adely: «Je paie» (donc je suis)

Sept cent quatre-vingt-quatre pages qui rendent compte de nos dix dernières années. Littéralement : avec facturette pour chaque achat, et captation en quelques lignes de ce qui, ce jour-là, fut perçu du bruit du monde. C’est un roman. Social. Politique. Intime.
Nazis dans la poudre: un essai révèle, un roman anticipe

Dans L’Extase totale, Norman Ohler raconte l’histoire du IIIe Reich du côté des stupéfiants, sans minorer la responsabilité de Hitler. Dès 1933, Leo Perutz, avec son roman La Neige de saint Pierre, envisageait les liens entre drogue et nazisme.
Emmanuel Venet: un roman familial où les maux comptent triple

Marcher droit, tourner en rond est le monologue intérieur d’un homme atteint du syndrome d’Asperger, contraint d’assister à l’enterrement de sa grand-mère. Drôle et décapant avec, en mineur, le récit d’une lucide solitude et un conte moral. Extrait du roman en fin d’article.
Laurent Mauvignier et Céline Minard: deux romans ascensionnels

Partir vers le large de la littérature, disait Marguerite Duras… Une femme part vers l’extrême, pour sauver un fils mal embarqué. Kirghizistan, au plus près des chevaux. Une autre femme part vivre dans les extrêmes hauteurs, au plus loin des hommes, au plus près du ciel et de ses interrogations. Laurent Mauvignier, Céline Minard, deux extrêmes réussites. Extraits des romans en fin d’article.
«Spoon River», un trésor poétique exhumé
Spoon River est un classique de la littérature américaine qui n’est que peu connu en France. Une nouvelle traduction nous permet de le redécouvrir. À la joie de lire pareille merveille s’ajoute le plaisir de remonter aux sources d’une lignée poétique moderne.
L’opticien de Lampedusa, l’homme qui n’avait rien vu

Journaliste pour la BBC, Emma-Jane Kirby donne ici un court récit, bouleversant par sa retenue, sur la prise de conscience d’un homme ordinaire, le jour où il s’est trouvé face à des centaines de migrants naufragés, à un kilomètre de l’île de Lampedusa.
Rhea Galanaki: «Se promener dans Athènes, c’est acquérir une conscience politique»
Roman de la rentrée littéraire 2016, L’Ultime Humiliation met en scène deux retraitées errant dans la capitale grecque pendant l’un des moments clés de la crise : février 2012. Un roman chargé de symboles sur une société – et une ville – qui ont alors brutalement changé de visage.
«Le Messie du Darfour», roman pour le Soudan

Au Soudan, ses livres ont été détruits en public. Aujourd'hui réfugié en Autriche, Abdelaziz Baraka Sakin est pour la première fois traduit en France. Son septième roman, Le Messie du Darfour, est une description courageuse et distanciée des années de guerre où, comme dans un conte venu de très loin, les langues se mélangent. Présentation et entretien.
Atticus Lish illumine les trajectoires de la misère américaine

Queens, quartier de New York, Zou Lei, clandestine irréductiblement vivante, Skinner, vétéran démoli de la guerre d’Irak, Jimmy, taulard voué à le redevenir. Un formidable roman, profondément politique, c’est-à-dire qui ne s’affiche pas comme tel. Extrait en fin d’article.
Avec Andreï Ivanov, un récit sur des réfugiés affreux, sales et parfois méchants

Andreï Ivanov, russophone, apatride, en un roman picaresque qui n’épargne pas le Danemark, et à travers les aventures de deux olibrius errants et dévastateurs, raconte formidablement le camp humanitaire vu par ceux qui y vivent, dont il a fait partie. Entretien et extrait en fin d’article.
Jonathan Galassi, quand la Muse s'amuse
Premier roman de Jonathan Galassi, à la tête de la mythique maison d’édition new-yorkaise Farrar, Straus and Giroux, Muse est à la fois roman à clé, roman d’apprentissage, histoire d’amours, ode nostalgique, et surtout saga et radiographie cruelle d’un monde littéraire en mutation. Extrait en fin d’article.
«La pièce obscure», ou la mauvaise passe des Indignés espagnols

Dans La Pièce obscure, l’écrivain Isaac Rosa décrit une génération de jeunes Espagnols happés par un trou noir, comme une métaphore du marasme ibère. Et il met en scène, dans ce texte sombre et inconfortable, les limites politiques du mouvement « indigné » de 2011.
Les héritiers/2 Jean-Paul Dubois, Alexandre Seurat: les testaments dangereux

Dans La Succession, Jean-Paul Dubois raconte une évasion et la puissance du fatum suicidaire entre Toulouse et Miami. Alexandre Seurat, dans L’Administrateur provisoire, roman documentaire,explore la culpabilité, la Collaboration, et ses effets boomerang.
Monstre et merveilles: «Frankenstein à Bagdad», d’Ahmed Saadawi
La rentrée littéraire n’est pas seulement une célébration de la littérature française : elle est aussi l’occasion de découvrir quelques trésors venus d’ailleurs, qui nous donnent des nouvelles du monde. Frankenstein à Bagdad, lauréat d’un prix prestigieux du monde arabe, nous fait comprendre la réalité irakienne par les moyens de la fiction la plus débridée.
Sylvain Prudhomme, Chloé Thomas: comptes et légendes

Retours très particuliers vers les années 1970 et 1980 : éblouissement sous le soleil d’Arles avec Légende, de Sylvain Prudhomme, et premier roman ambitieux de Chloé Thomas, Nos lieux communs, qui interroge les établis d’antan et les incertains d’aujourd’hui. Premier de deux articles autour de ce qui se transmet (ou pas).
Eric Faye, éclipses derrière un soleil rouge
Dans son dernier roman, Éric Faye s’intéresse aux kamikakuchi, ces hommes et ces femmes ordinaires « cachés par les dieux », c’est-à-dire enlevés au Japon par le gouvernement nord-coréen à des fins d’espionnage dans les années 1970-1980. Un puzzle choral déclinant les destins d’une demi-douzaine de personnages entre vérité et fiction, pour décrire une réalité qui, loin de se réduire au fait divers, synthétise les complexités géopolitiques d’une partie du globe.
«Judas» d'Amos Oz, une histoire de traîtres
Pour inaugurer notre collaboration avec la revue en ligne En attendant Nadeau, nous avons choisi de partager la lecture d'un article consacré au dernier livre de l'Israélien Amos Oz. « L’histoire se déroule en hiver, entre fin 1959 et début 1960. On y parle d’une erreur, de désir, d’un amour malheureux et d’une question théologique inexpliquée » : ainsi débute Judas, son nouveau roman, qui se déroule à Jérusalem, ce qui n’est jamais un mince détail.
Philippe Forest en oracle de notre disparition qui vient
Dans un roman hypnotique, Crue (Gallimard), Philippe Forest scrute l'époque, flaire les mutations, devine la catastrophe. À travers un narrateur recru mais aux aguets : « Chacun fait l'épreuve de voir disparaître ce qu'il aime. » Fantastique lecture pour tous…
1789: la fiction vient réveiller la grande Révolution
Deux récits autour de la Révolution française paraissent simultanément chez le même éditeur : 14 Juillet, d’Éric Vuillard, et Sauve qui peut (la révolution), de Thierry Froger. Radicalement différents, les deux livres se font écho pour cerner la puissance de l'acte révolutionnaire.
«Voici venir les rêveurs»: un roman africain américain d’Imbolo Mbue
Voici venir les rêveurs est le premier roman d’Imbolo Mbue, écrivaine née au Cameroun, installée aux États-Unis depuis 1998. Le livre reflète les tensions nées de la confrontation entre Amérique et Afrique : ces contradictions font la matière du récit, mais minent aussi le projet éditorial du livre.
Avec «Laëtitia», Ivan Jablonka réinvente le fait-divers

Ce n’est pas un roman qui vient d'obtenir le prix Médicis, mais quel sacré livre ! Laëtitia, récit subjectif, enquête minutieuse, honnête même dans ses impasses, renoue avec le fait-divers comme « force de frappe cognitive ». Le meurtre de Laëtitia a passionné la France et ridiculisé Sarkozy. La vie reconstituée de Laëtitia la fait exister, et avec elle, le pays silencieux.