Dossier Enseignement supérieur: des violences sexuelles endémiques
L'université et les grandes écoles sont secouées depuis plusieurs années par de nombreux scandales de violences sexistes et sexuelles. À la fois par l'ampleur du phénomène, et parce que les mécanismes d'alerte, et de sanction, sont largement insuffisants.
Dans la prestigieuse université de droit Panthéon-Assas, les violences sexistes ne cessent de se multiplier depuis quelques années. La dernière en date ? Un enseignant qui suggère à une étudiante de lui faire une fellation, avant de se confondre en excuses.
À l’université Panthéon-Assas, les témoignages s’empilent. Lors d'un cours, un enseignant a comparé ses étudiantes à des « dindes » qu’il faudrait « fourrer », quand un autre a distribué un énoncé empreint de transphobie.
Depuis le début de l’année, les témoignages de victimes de harcèlement ou de viol se multiplient parmi les étudiantes de la prestigieuse école. Une libération de la parole qui intervient alors que l’établissement ne s’est toujours pas doté d’un dispositif d’écoute et d’accompagnement pérenne.
Selon nos informations, le groupe GMS, qui dirige 38 écoles, a reçu de nombreuses alertes visant plusieurs de ses intervenants, accusés de violences sexuelles ou de sexisme. Une enquête interne est en cours et un des cadres aurait quitté l’entreprise.
Frédéric Mion admet des « erreurs de jugement » et des « incohérences » dans sa gestion de l’affaire Olivier Duhamel. Des étudiants réclamaient son départ depuis des semaines.
Ces derniers mois, de nombreuses universités ont lancé, avec une ampleur inédite, des procédures disciplinaires visant certains de leurs enseignants, après des dénonciations de violences sexistes et sexuelles. Mais faute de formation ou de volonté politique, les démarches restent encore extrêmement longues et incertaines.
L’enseignement supérieur et la recherche ont longtemps été considérés comme des lieux où les violences sexistes et sexuelles étaient monnaie courante, et rarement punies. En cause : la relation prof/étudiant et les failles des procédures disciplinaires. La mobilisation de différents acteurs fait progressivement bouger les lignes.
Après la révélation d’une série d’affaires visant l’enseignement supérieur et la recherche, le gouvernement a amendé l’organisation des procédures disciplinaires, dont les dysfonctionnements sont souvent patents. Les victimes pourront enfin être accompagnées. Mais une disposition est contestée, au nom de l’indépendance de la justice universitaire.
Deux universitaires, accusés de violences sexuelles, ont bénéficié de classement sans suite par la justice. Ils n’ont pas non plus été sanctionnés par leurs établissements. Mais ils n’y enseignent plus et dans leurs départements, la situation est très tendue.
Selon nos informations, une enquête a été ouverte à l’université Paris-Diderot visant un de ses principaux dirigeants, le psychanalyste Fethi Benslama. Il est accusé par plusieurs femmes de comportements inappropriés, parfois qualifiés de harcèlement sexuel. D’autres collègues lui reprochent un comportement autoritaire. La justice est saisie.
L'École polytechnique se débat de longue date avec les violences sexuelles. Les filles y sont minoritaires et se plaignent d'essuyer des remarques sexistes. Parfois, les choses sont allées plus loin avec des agressions sexuelles, et un viol signalé au procureur.
Mis en cause par plusieurs témoignages, un professeur a été relaxé par la commission disciplinaire de Sorbonne-Université. Une décision dénoncée par l’association Clasches qui accompagne les victimes de violences sexistes et sexuelles. L’université a fait appel.
Après un viol, fin novembre, des étudiantes du campus de l’université de Bordeaux ont organisé une marche, mercredi 19 décembre, pour interpeller les présidents d’université afin qu’ils se saisissent des problèmes d’insécurité et réalisent les travaux d’aménagement nécessaires.
Deux enseignants de la faculté Jean-Jaurès de Toulouse ont été radiés pour des faits qualifiés de harcèlement sexuel et moral. Mais la décision de la justice de classer sans suite passe mal auprès des étudiantes et enseignantes qui ont porté le dossier.
Alors que la France fait face à une libération de la parole sans précédent sur les violences sexuelles, l’université fait partie des lieux où tout reste à faire. Un colloque international s’est penché sur la question et a mis en évidence les difficultés à dénoncer et évaluer le phénomène.