Dossier Ikea: la mécanique de l'espionnage des salariés
En 2012, Mediapart révélait comment l'entreprise Ikea avait mis au point une vaste entreprise d'espionnage des salariés. Le réquisitoire du parquet de Versailles vient de demander le renvoi en correctionnelle de l’enseigne et de quinze personnes, dont les deux ex-patrons d’Ikea France. Voici nos enquêtes.
Non content d'espionner ses salariés en passant par des détectives privés, Ikea a utilisé des infiltrées dans son magasin de Franconville en 2010 et 2011. L'objectif : surveiller des syndicalistes FO chevronnés. Mediapart a retrouvé l'une de ces infiltrées, recrutées par une société spécialisée dans l'intelligence économique. Nous publions aussi le « Retour d'expérience » rédigé par cette officine à l'issue de l'opération. « On se croirait dans un film d'espionnage !» réagit la CFDT.
Une enquête préliminaire a été ouverte dans l'affaire d'espionnage chez Ikea. Mediapart examine le cas du magasin de Brest, inauguré en 2008. Des courriels inédits prouvent qu'au moment des recrutements, plus de 190 noms ont été transmis par le responsable sécurité d'Ikea France à une officine privée. Mission : « Dire ce qu’il en retourne ».
Quatre policiers sont mis en examen pour avoir cherché dans le fichier Stic des renseignements sur des recrues à Avignon. L'IGPN, la police des polices, n'est pour l'heure saisie que de ce seul cas.
En 2003, Ikea s'est lancé dans une vaste entreprise de surveillance de salariés et de clients. Après les révélations du Canard enchaîné, Mediapart publie une série de nouveaux mails accablants pour la multinationale. Objet des recherches : les comptes bancaires, le train de vie, le passé de proches des salariés. Des liens tissés avec des policiers auraient aussi permis à l'entreprise de recueillir des informations secrètes sur une enquête judiciaire en cours.
Certains magasins Ikea ont offert des cadeaux à des policiers. Un document récupéré par Mediapart montre qu'à Gonesse, en banlieue parisienne, le directeur lui-même a distribué des bons d'achat de 100 euros. A « Paris-Nord », les accointances entre le responsable sécurité du magasin et certains policiers étaient patentes, d'après des courriels internes en possession de Mediapart. Sur le dos des salariés ?
Le patron d'Ikea France a été mis en examen dans l'affaire d'espionnage des salariés. Son prédécesseur a subi le même sort, bien qu'il ait assuré avoir tout ignoré de ces pratiques et suggéré aux enquêteurs que le dossier aurait été supervisé en direct par le responsable “sécurité” d'Ikea-monde.
La filiale française d'Ikea ne s’est pas contentée de traquer ses salariés : elle a enquêté sur des clients ou de simples relations commerciales. Mediapart a retrouvé des Suédois espionnés pour avoir contesté la livraison tardive de leur cuisine. En 2009, un Parisien a été ciblé parce qu'il râlait contre une armoire en mauvais état.
Détectives privés, caméras de surveillance, ouverture des boîtes mails... Les entreprises ont-elles le droit de surveiller leurs salariés, et avec quels moyens ? Les réponses de Corinne Pizzio-Delaporte, universitaire et spécialiste du droit du travail.
Depuis les révélations sur l'espionnage des salariés, des hommes de la maison-mère ont débarqué dans la filiale française d'Ikea et repris la main sur une direction fragilisée. Des grèves éclatent, des dépôts sont bloqués, des explications sont demandées.
Les directeurs général et financier d’Ikea France, Stefan Vanoverbeke et Dariusz Rychert, sont entendus depuis ce lundi matin 18 novembre dans les locaux de la police judiciaire de Versailles, d’après des informations obtenues par Mediapart.
L'ancien patron d'Ikea France, Jean-Louis Baillot, a été mis en disponibilité mercredi, à la suite des révélations de Mediapart. Une ancienne directrice des ressources humaines de la filiale française a subi le même sort. Il s'agit de «mieux pouvoir coopérer avec les autorités (judiciaires)», affirme l'actuel directeur général d'Ikea France. Lundi, Mediapart révélait que les méthodes employées par le groupe pour fliquer ses salariés étaient, dans un cas au moins, connus de Jean-Louis Baillot et de sa DRH.
Alors qu'une information judiciaire a récemment été ouverte dans l'affaire d'espionnage chez Ikea, des syndicats de Castorama montent à leur tour au créneau. Le directeur du magasin d'Antibes, condamné à de la prison avec sursis pour avoir fouillé dans les antécédents judiciaires de plusieurs agents de sécurité, n'a pas été sanctionné par sa hiérarchie. Pour les syndicats, Casto « cautionne » de graves atteintes à la vie privée.