Dans un entretien exclusif à Mediapart, le président de la Société générale s'explique. Sur l'affaire Jérôme Kerviel et sur la perte de près de cinq milliards d'euros. Daniel Bouton admet que le monde politique et l'opinion publique aient eu du mal à comprendre les explications de la banque. Il s'explique sur les failles des dispositifs de contrôle et parle de l'avenir de la SocGen, sur fond de crise financière.
On ne lit jamais avec trop d'attention les publications de la Banque des règlements internationaux. Les experts de Bâle avaient, parmi les premiers, mis en garde sur les risques du marché immobilier américain, sans être entendus. Ils cherchent maintenant à comprendre pourquoi les tensions persistent sur le marché interbancaire, pourquoi la défiance règne toujours entre les banques internationales. Et ils ne prévoient pas de retour à la normale dans un avenir prévisible. Intéressant.
Mediapart révèle de nouveaux éléments qui éclairent l'affaire de la Société générale. Tant l'audition d'un des contrôleurs financiers de la banque que le bilan d'évaluation 2007 de Jérôme Kerviel confirment que la SocGen n'a pas tenu compte des alertes qui lui étaient adressées concernant certaines opérations du trader.
Lire aussi notre ebook : Affaire Kerviel : ce que les juges n'ont pas entendu
Réunies à Paris du 26 au 29 mai, les autorités de tutelle des bourses de valeur du monde entier ont entamé le travail, rituel après chaque crise financière majeure, de renforcement de l'arsenal réglementaire. A la recherche d'un équilibre problématique entre innovation et protection des investisseurs, risque et sécurité. Si le passé plaide pour l'avenir, l'optimisme n'est guère de mise.
Les grognards ont grogné. A l'assemblée générale des actionnaires de la Société générale, première confrontation directe entre le management de la banque et sa «base» depuis la découverte en janvier 2008 de la «fraude exceptionnelle» orchestrée par le trader Jérôme Kerviel : le petit actionnaire, piétaille du CAC 40, a demandé des comptes et des têtes.
"C'est quand la mer se retire que l'on voit qui nage sans maillot". Ce proverbe chinois mis à toutes les sauces illustre aussi le processus de décantation entre les trois grandes banques françaises opéré par la crise financière. Un leadership confirmé pour BNPParibas, un rebond sur quoi bien peu auraient parié à la Société générale, une nouvelle aventure loin de ses bases qui se termine mal pour le Crédit agricole.
La Société générale a annoncé vendredi une réforme de sa gouvernance. Daniel Bouton reste mais il sera président du groupe. Il abandonne la direction générale à Frédéric Oudéa. Après l'affaire Kerviel, la banque estime que ce chapitre est clos. Le conseil du 12 mai entérinera les comptes du premier trimestre qui, selon la banque, «illustreront sa capacité de rebond».
La Société générale s'apprête à tirer les premières conséquences de l'affaire Kerviel, qui lui a coûté 4,9 milliards d'euros de perte. Selon nos informations, une série de départs de responsables hiérarchiques du trader devrait être officialisée bientôt. Parmi ceux-ci figure Jean-Pierre Mustier, patron de la banque d'investissement et de financement.
Auditionné mercredi 9 avril par la commission des Finances de l'Assemblée nationale, le PDG de la Société générale, Daniel Bouton, a dit s'intéresser «extrêmement peu» à l'affaire Kerviel, mais beaucoup à l'avenir de la banque qu'il préside. Dans la tempête financière, le pire est peut-être derrière nous et les banques françaises ont les moyens de tenir. La question de son avenir à la tête de SG n'a pas été posée.
Plusieurs grandes banques françaises ont été perquisitionnées en fin de semaine dernière dans le cadre d'une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sur des pratiques d'entente sur des taux de crédit immobilier. Des données informatiques des principaux dirigeants des Caisses d'épargne, en particulier, ont été saisies.
En crise, les Caisses d'épargne étudient plusieurs pistes de réforme pour rebondir: cessions partielles ou total de filiales pour reconstituer ses fonds propres, etc. Dans le même mouvement, le gouvernement prépare la "banalisation" du Livret A distribué notamment par l'Ecureuil.
Le patron des Caisses d'épargne, Charles Milhaud, aime s'entourer d'agents secrets, au sens propre comme au sens figuré: des lobbyiste, comme Alain Minc ou Jean-Marie Messier, qu'il rémunère chèrement, pour peser sur la vie parisienne des affaires; ou de spécialistes de la sécurité, tel Pierre-Yves Gilleron, un ancien de la DST condamné lors du fameux procès des écoutes de l'Elysée.
La crise financière surgie l'été dernier d'un recoin obscur des marchés de crédit aux Etats-Unis, a franchi un nouvelle étape à la veille du weekend. La défiance à l'égard du système bancaire américain atteint le dollar et n'épargne pas la Réserve fédérale des Etats-Unis, dont les marchés ont pris l'habitute d'attendre leur salut. Lire aussi: le "Monopoly" de la crise et sa chronologie depuis le 2 avril 2007.