S’il y a bien un domaine où le FN n’a quasiment rien à dire, c’est en matière de fiscalité. Alors que le FN de Jean-Marie Le Pen prônait une véritable révolution libérale, marquée par la suppression progressive de l’impôt sur le revenu, la suppression de l’ISF, la suppression de la CSG, la suppression de l’impôt sur les successions, dans son programme présidentiel, Marine Le Pen n’avance quasiment aucune proposition. Tout ou presque doit rester dans un cadre quasiment inchangé. Seuls « les impôts à faible rendement » seraient supprimés, est-il prévu dans son programme, sans plus d’explication.
Marine Le Pen s’engage à « assurer une juste contribution fiscale, en refusant toute hausse de la TVA et de la CSG et en maintenant l’ISF ». Ce dernier impôt est-il appelé à rester avec la même assiette et le même périmètre ? Mystère. Interrogée sur l’ISF, Marine Le Pen avait en effet déclaré qu’elle souhaitait fusionner la taxe foncière « injuste » avec l’ISF pour instaurer « un impôt progressif » unique sur le patrimoine. Une idée qui se trouve aussi dans le programme d’Emmanuel Macron. Cette proposition ne figure plus dans le programme du FN. Peut-être parce qu’elle est difficile à mettre en œuvre : l’ISF est destiné au budget de l’État, tandis que la taxe foncière est réservée aux collectivités locales.
En matière de fiscalité sur le revenu, les modifications que le FN entend apporter sont à la marge. Il entend ainsi « baisser de 10 % l’impôt sur le revenu des trois premières tranches ». La première tranche passerait ainsi de 14 à 12,6 %, la deuxième de 30 à 27 %, la troisième de 41 % à 36,9 %, le taux supérieur étant, quant à lui, maintenu à 45 %.
Le FN ajoute dans son programme son intention de « rehausser progressivement le plafond du quotient familial, rétablir la demi-part des veuves et veufs ». La suppression de cette demi-part en 2008 – mesure qui avait pris son plein effet en 2013 – avait été vivement ressentie par les ménages les plus faibles. Depuis, le gouvernement a fait adopter un dispositif d’exonération permanent pour les revenus inférieurs à 13 553 euros. Le FN semble donc avoir la volonté de l’étendre à tous.
Car les plus hauts revenus ne sont pas complètement oubliés, en dépit des apparences. Une mesure leur est particulièrement destinée : les donations pour les successions. Si Marine Le Pen n’a pas repris l’idée de supprimer tout impôt sur les successions, elle propose cependant des dispositions permettant d’en adoucir les effets. Son programme propose de pouvoir transmettre à ses descendants en élevant le montant des donations libres de droit à 100 000 euros tous les cinq ans (au lieu de quinze ans actuellement), au nom de la « solidarité intergénérationnelle ».
Sur la fiscalité des entreprises, Marine Le Pen entend, comme dans le cadre du patriotisme économique, réserver tous les efforts pour les petites et moyennes entreprises. Le FN veut cibler sur elles les allégements de cotisations sociales, de l’impôt sur les bénéfices, ramenant le taux de l’IS à 15 % pour les plus petites tandis que les plus grandes seraient toujours imposées au taux de 33 %.
Comme les autres, le FN promet de lutter contre l’évasion fiscale. Curieusement, la proposition ne semble concerner que les grands groupes, pas les particuliers – il est vrai que plusieurs noms de responsables du FN se sont retrouvés dans les Panama Papers. Pour ces multinationales, le FN entend instaurer « une taxe sur l’activité réalisée en France par les grands groupes et les profits qui auraient été détournés ». Ceux-ci se verraient aussi privés d’accès aux marchés publics.
Ce programme paraît particulièrement faible au regard des dépenses publiques que le FN veut engager par ailleurs. Revalorisation des salaires des fonctionnaires, retraite à 60 ans, augmentation des dépenses de santé, amélioration du revenu des agriculteurs, personne n'a été oublié. Dès lors, il est difficile de voir où se trouve le point d’équilibre financier pour le FN.
Une dernière mention un peu particulière est faite dans ce très court programme sur la fiscalité. Le FN a tenu à spécifier que son intention était de « dénoncer les conventions fiscales avec les pays du Golfe qui accordent des privilèges indus, qui facilitent la prise de contrôle de l’économie française par les pétrodollars et qui sont contraires à l’intérêt national ». Les conventions fiscales accordées au Qatar notamment constituent en effet des passe-droits incompréhensibles. Mais est-ce vraiment une telle priorité qu’il faille inscrire leur révocation dans un programme présidentiel ? Difficile de ne pas y lire un sous-texte nauséabond.