La bataille des retraites n’est pas un mouvement de protestation parmi d’autres. Elle porte un triple enjeu décisif, à la fois social, démocratique et civilisationnel dont témoigne l’exceptionnelle unité syndicale. Raison de plus pour y jeter toutes nos forces.
Le 8 mars, la zone industrielle de Gonfreville-l’Orcher était bloquée pour le deuxième jour consécutif par des salariés protestant contre la réforme des retraites. Mais l’objectif de tenir longtemps pour frapper le patronat au porte-monnaie se révèle incertain, par manque de militants mobilisés.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, les sénateurs ont adopté l’article 7 repoussant de deux ans l’âge de départ à la retraite. Le gouvernement a salué un « vote de responsabilité », l’opposition entend continuer le combat.
Au lendemain de la journée historique de mobilisation contre la réforme portée par le gouvernement, plusieurs appels à une « grève féministe » ont été lancés pour le 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Un mode d’action jusque-là balbutiant en France.
Lors d’une nuit mouvementée, la droite, alliée au gouvernement, a manœuvré pour empêcher les groupes communiste, écologiste et socialiste d’amender l’article 7 sur le report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite. Un « coup de force démocratique », a dénoncé la gauche qui a quitté l’hémicycle en guise de protestation.
Plusieurs actions de blocage se sont déroulées mardi matin à Toulouse, suivies l’après-midi d’une manifestation dense malgré la pluie battante. Ce mercredi 8 mars, une grève féministe prend le relais qui doit prolonger et amplifier le mouvement. Déterminé, le mouvement militant local cherche à ralentir l’activité économique toulousaine.
Mardi, dès 6 heures du matin , les six bâtiments du campus central de l’Université de Strasbourg ont été bloqués par ses étudiants. C’est le troisième blocage depuis le début du mouvement des retraites, mais le premier d’une telle efficacité. En fin de journée, il a été reconduit pour le mercredi 8 mars. Et les revendications vont bien au-delà des retraites.
Après le succès de la mobilisation du 7 mars, les cheminots de Tours et de Saint-Pierre-des-Corps tentent d’organiser leur grève sur le temps long. Et manifestent aussi contre une compagnie ferroviaire vidée de son sens.
La mobilisation a été massive mardi, partout en France. Dans beaucoup de villes des records ont été battus. Les syndicats annoncent 3,5 millions de manifestants, le ministère de l’intérieur 1,28 million. Des grèves sont d’ores et déjà reconduites dans plusieurs secteurs, notamment dans les transports et les raffineries.
Bloquer le pays, c’est la stratégie des syndicats contre le recul de l’âge de départ à la retraite. Une grève prolongée pourrait-elle mettre un coup d’arrêt à la destruction du monde ? Fermer une usine, une infrastructure, ou même une filière d’activité ne revient pas à prendre le deuil. C’est la préparation du monde qui vient.
La brutalité, l’entêtement et la désinvolture de l’exécutif exposent le pays à de grands dangers démocratiques. Seul un alliage entre démocratie politique et démocratie économique pourrait s’imposer comme alternative à la décomposition du système de la Ve République.
Alors que l’exécutif espère faire voter son texte par le Sénat avant la fin de la semaine, la sixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites devrait rassembler massivement. Les militants les plus résolus espèrent qu’elle sera le point de départ de grèves reconductibles dans plusieurs secteurs.
Deux articles du projet de réforme des retraites ont été votés dans le courant du week-end au Sénat. Si l’ambiance n’était pas aussi électrique qu’à l’Assemblée, l’opposition de gauche a bataillé à coup d’amendements et de débats à rallonge. La chambre haute a même évoqué son propre régime de retraites.
À l’aube d’une nouvelle semaine de mobilisation, Emmanuel Macron et ses soutiens tergiversent sur la stratégie à adopter. Soucieux de ne pas montrer de signes de faiblesse, l’exécutif est tenté de durcir son discours à l’égard des organisations syndicales, déjà accusées de blocage. Une stratégie périlleuse face à une rue déterminée.
Les dirigeants des huit syndicats de salariés avaient rendez-vous jeudi soir à La Ricamarie, ancien bastion ouvrier de la banlieue de Saint-Étienne. L’occasion d’afficher devant leurs militants une unité toujours aussi forte, et leur détermination à « mettre la France à l’arrêt » mardi.
Le texte, dont l’examen démarre jeudi au palais du Luxembourg, devrait être globalement soutenu par la droite, largement majoritaire. La gauche essaiera toutefois de se faire entendre dans le faux duel entre l’exécutif et le groupe Les Républicains.