Tout au long des cortèges des 19 et 31 janvier, Mediapart a recueilli les témoignages, les revendications et les espoirs des manifestants. Florilège, à l’occasion de la troisième journée de mobilisation.
Après le refus de la présidente de l’Assemblée nationale d’examiner la motion référendaire portée par des centristes et l’ensemble de la gauche, la première journée d’examen de la réforme des retraites a continué dans une ambiance à couteaux tirés entre la majorité et l’opposition.
Ce lundi 6 février, la réforme des retraites du gouvernement Borne fait son entrée à l’hémicycle. L’occasion pour l’équipe d’« Ouvrez les guillemets » de vous proposer un petit guide pratique pour bien comprendre l’esprit de la réforme, avant de marcher le mardi 7 février.
Le projet de loi gouvernemental arrive lundi à l’Assemblée nationale, où le camp présidentiel n’est pas assuré d’avoir une majorité. Pour convaincre les récalcitrants, Élisabeth Borne a annoncé dimanche plusieurs concessions… qui n’ont pas convaincu grand monde. En attendant la double mobilisation de mardi et samedi, l’exécutif se retrouve lesté par un nouveau boulet : l’affaire Dussopt.
La région Grand Est a connu deux très fortes mobilisations les 19 et 31 janvier. Frappés par la désindustrialisation, le chômage et la fuite des jeunes, ses habitants manifestent une colère plus globale. Et le Rassemblement national, bien qu’invisible, est en embuscade.
Arc-boutés sur leur idée de « sauver » le système par répartition via l’allongement de deux ans du temps de travail, les macronistes ont écarté en commission toutes les pistes de financement alternatives proposées par la Nupes.
Alors que la Nupes avait obtenu de défendre, lundi prochain, une motion visant à imposer un référendum sur les retraites, c’est l’extrême droite qui a été désignée, ce mardi, pour le faire. La gauche reproche à la majorité de tordre le règlement de l’Assemblée nationale et de se livrer à des calculs politiciens.
Les syndicats, toujours unis, ont gagné mardi leur pari, après une première mobilisation déjà réussie le 19 janvier. D’après les chiffres du ministère de l’intérieur lui-même, le nombre de manifestants est inédit depuis trente ans. Le bras de fer se poursuivra le 7 février.
Près de 250 rassemblements sont organisés mardi à l’appel des syndicats pour contester le projet de réforme des retraites. Dans nombre de villes, les cortèges sont encore plus nourris que le 19 janvier. Récit des mobilisations, de Lannion à Montpellier, en passant par Marseille, Clermont-Ferrand, Charleville-Mézières, Annonay, Lille ou Paris.
L’article 1 du projet de loi « retraites » supprimant les régimes spéciaux a été adopté lors de la première journée d’examen en commission par la majorité. Le RN s’est abstenu. Dans une ambiance parfois survoltée, la Nupes a néanmoins réussi à imposer ses thèmes et son tempo.
La réforme voulue par Emmanuel Macron, la quatrième en vingt ans, ne fera aucun gagnant en faisant reculer l’âge de départ à la retraite. Les manifestants l’ont bien compris. L’obstination du pouvoir, prêt à passer en force, est porteuse d’un danger démocratique.
La cure de rigueur que l’exécutif compte appliquer à la fonction publique creusera significativement le déficit du système des retraites, dénonce un collectif d’agents publics. Sans cette politique d’austérité, le déficit pourrait être réduit de 30 % d’ici à 2030.
Alors que les opposants à la réforme des retraites se mettent bruyamment en ordre de bataille, les jeunes soutiens du président de la République restent discrets. Et révèlent une culture politique bien plus policée que leurs opposants.
Elles et ils sont âgé·es de 58 à 67 ans et travaillent toujours en tant qu’ouvrier, assistante sociale, conseillère Pôle Emploi, chauffeur de bus ou agente de l’administration. Elles et ils sont épuisé·es. Tou·tes sont opposés à la réforme des retraites et témoignent, par leur quotidien, de l’impossibilité de travailler jusqu’au grand âge. Mediapart leur donne la parole.
Déjà en proie à une mobilisation sociale qu’il n’imaginait pas si forte, le gouvernement se retrouve confronté aux critiques de plus en plus audibles de son propre camp. Les faux pas de communication viennent assombrir un peu plus l’horizon de l’exécutif. La semaine parlementaire et sociale qui s’ouvre pourrait lui être fatale.
En utilisant une méthode législative inédite pour faire passer sa réforme des retraites, le gouvernement innove en matière de détournement des droits du Parlement. S’il prend le risque de voir le Conseil constitutionnel retoquer certaines dispositions, ce risque reste mineur tant l’institution semble avoir oublié son rôle de contre-pouvoir.