Dossier « Séparatisme » : les mots, la loi et leurs effets
La loi «confortant les principes de la République» a été définitivement adoptée en juillet 2021. Malgré son intitulé, ce texte détricote ses plus grandes lois, sous couvert de lutte contre un «séparatisme» redéfini. Nos enquêtes, analyses et reportages sur ses conséquences.
La ville de Valence renonce à vendre un terrain à une école privée musulmane hors contrat après des alertes émises par la préfecture et par « Charlie Hebdo ». Des documents obtenus par Mediapart démentent pourtant l’intégralité des accusations portées par le journal satirique.
Jean-Marie Girier, ex-directeur de campagne de Macron, a demandé à la ville de Poitiers de retirer une partie de la subvention accordée à une association de défense de l’environnement. Motif ? Ses ateliers de désobéissance civile ne respecteraient pas le « contrat d’engagement républicain » imposé aux associations depuis la loi de 2021. Gérald Darmanin assure le soutenir « parfaitement ».
Cet établissement parisien hors contrat présenté comme « coranique », « clandestin » et « séparatiste » a été fermé par les autorités en décembre 2020 et sa directrice était jugée en appel à Paris ce vendredi. Mais deux ans après, rien dans le dossier consulté par Mediapart ne vient étayer ces accusations.
Le ministère de l’intérieur revendique des « opérations » administratives et des « fermetures » tous azimuts. En brandissant des chiffres invérifiables, et souvent maquillés. Or c’est toute une société civile qui fait les frais de cette offensive « anti-séparatiste », qui semble se déployer dans l’indifférence générale.
La Coordination contre le racisme et l’islamophobie a été dissoute en conseil des ministres le 20 octobre. Bien que victorieuses à plusieurs reprises sur le front judiciaire, ses actions auraient alimenté « un soupçon permanent de persécution de nature à attiser la haine » en France, selon le décret présenté par Gérald Darmanin.
Le Conseil d’État a rejeté lundi le recours contre la fermeture de la mosquée d’Allonnes (Sarthe), qui avait hérité, dans certains médias, du titre de « mosquée pro-djihad ». Vendredi, Mediapart avait assisté à l’audience, durant laquelle les « notes blanches » des services de renseignement, feuilles volantes sans en-tête, ni date, ni signature, ont pesé lourd.
Vendredi 26 novembre, le Conseil d’État a examiné le référé de la mosquée d’Allonnes (Sarthe), qui conteste sa fermeture pour six mois ordonnée par le préfet. Devant les magistrats, la valeur de feuilles volantes sans en-tête, date ni signature, a semblé s’imposer face aux arguments étayés de la défense. Compte-rendu.
Les députés ont approuvé le texte par 49 voix « pour », 19 « contre » et cinq abstentions. Gauche et droite ont annoncé la saisine du Conseil constitutionnel.
Une députée Les Républicains et le vice-président du parti s’en sont pris publiquement aux « danses traditionnelles », aux « tam-tams » et aux « étendards étrangers » lors de certains mariages. Loin d’être anecdotiques, ces sorties traduisent la dérive idéologique d’une partie de la droite qui a chaviré dans l’électoralisme.
Le Sénat a adopté, lundi 12 avril, une version largement durcie du projet de loi contre le « séparatisme ». Les débats ont donné à voir la surenchère d’une droite sénatoriale décidée à légiférer tous azimuts, des mariages aux piscines en passant par les terrains de sport.
Le député du Val-d’Oise, membre de la majorité, pourfend « l’islam politique » et dénonce les pratiques du Millî Görüs, association de la diaspora turque qui en serait la quintessence. Mais à Sarcelles, l’élu en a convoité le soutien, d’après notre enquête. Révélations sur une cuisine électoraliste.
Dans la lignée des polémiques sur les réunions non mixtes, le Sénat a voté jeudi 1er avril, avec le soutien ou l’abstention de la gauche, un amendement qui prévoit la dissolution de certaines associations. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé un « vote honteux ».
Les parlementaires LR prévoient de durcir la loi sur les « principes républicains », qui arrive au Sénat mardi. Sur le terrain, des élus locaux de droite font pourtant entendre une autre voix sur les questions liées à l’islam et à la laïcité.
Derrière les grandes déclarations d’intention, sur fond de lutte contre le « séparatisme », Mediapart raconte comment les pouvoirs publics ont manœuvré pour obtenir le départ du recteur de la mosquée et organisé sa succession. Très loin de la laïque séparation de l’État et des religions.
En s’appropriant les obsessions de Marine Le Pen, certains membres du gouvernement et la majorité jouent avec le feu. Comme un récent article de recherche le démontre, cette stratégie est impuissante à enrayer le vote pour l’extrême droite voire le favorise.
L’examen du projet de loi « confortant les principes de la République » a quasiment évacué tout débat approfondi sur la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Il s’attaque pourtant aux trois piliers de la démocratie que sont la liberté d’expression, la liberté de culte et la liberté d’association.