Des dizaines de milliers de personnes ont à nouveau manifesté dans toute la Russie, dimanche 31 janvier. Plus de 4 500 personnes ont été arrêtées. Les centres-ville de Moscou et Saint-Pétersbourg avaient été bloqués par les forces de l'ordre. Le Kremlin fait le choix d'une répression massive. Entretien avec Dmitri Orechkine, analyste politique indépendant.
La suractivité du régime russe depuis une semaine dit son inquiétude. Alors que de nouvelles manifestations sont appelées, dimanche 31 janvier, la répression bat son plein et Vladimir Poutine est sorti de sa tour d’ivoire.
À l’appel de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny, des milliers de manifestants se sont rassemblés dans la plupart des villes de Russie, samedi, pour demander sa libération et le départ du président. Avec déjà plus de 67 millions de vues sur YouTube, l’enquête « Un palais pour Poutine » déstabilise le pouvoir.
L’opposant à Vladimir Poutine avait été prévenu. S’il faisait le choix de rentrer en Russie, il serait arrêté et placé en détention. C’est chose faite depuis dimanche soir 17 janvier, dès son atterrissage à Moscou. Alexeï Navalny a choisi, dans un pari risqué, de combattre jusqu’au bout le régime des « escrocs et des voleurs » qu’il dénonce depuis dix ans.
C’est un rebondissement spectaculaire. En se faisant passer pour un collaborateur du conseil de sécurité russe, l’opposant Navalny a interrogé par téléphone l’un des agents du FSB impliqué dans son empoisonnement. Tombé dans le piège, ce dernier confirme et détaille l’opération, ainsi que les raisons de son échec.
Le site Bellingcat et plusieurs médias ont publié une enquête détaillée sur l’empoisonnement par arme chimique du principal opposant russe. Quinze agents d’une unité secrète du FSB sont identifiés. Ils surveillaient Navalny depuis 2017.
Alors que quelques partisans de l’opposant empoisonné l’ont emporté lors d’élections locales, l’Allemagne, suivie de la France, hausse le ton et saisit l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques. Deux laboratoires français et suédois concluent également que Navalny a été empoisonné au Novitchok.
Dernière figure importante de l’opposition, Alexeï Navalny a dévoilé les manipulations systématiques des élections, l’ampleur de la corruption des principaux dirigeants russes ainsi que les coulisses mafieuses et criminelles du régime. Il représentait à terme un danger majeur pour le Kremlin.
La thèse du pur assassinat politique serait-elle trop simpliste au vu du contexte actuel ? L’attaque subie par Alexeï Navalny repose la question de la violence du pouvoir économique et politique russe. L’opposant à Vladimir Poutine a été tardivement transféré dans un hôpital berlinois, où son état est jugé « stable ».
Jeudi 20 août, alors qu’il se rendait à Moscou en avion, l'avocat de 44 ans et leader de l’opposition en Russie a perdu conscience après avoir bu un thé. Ses proches considèrent qu’une fois de plus le Kremlin a tenté d’empoisonner son opposant. L’Allemagne a envoyé un avion médicalisé.
La brutalité de la répression engagée par le pouvoir russe, en réponse à une lourde défaite électorale lors des élections locales du 8 septembre, relance la contestation. Manifestation à Saint-Pétersbourg, mobilisation des milieux culturels… et voilà même des prêtres orthodoxes qui s’indignent des condamnations prononcées. En toile de fond : l’usure du régime Poutine.
La commission électorale russe a statué le 25 décembre sur le sort d’Alexeï Navalny : le principal opposant à Poutine ne pourra pas candidater à la présidentielle prévue en mars. Une décision très révélatrice du système qui gouverne aujourd’hui la Russie.
À trois mois de la présidentielle, le pouvoir vante son action en matière de lutte anticorruption. Outre la condamnation à huit ans de prison du ministre Oulioukaev, plusieurs gouverneurs et responsables des forces de l’ordre sont tombés ces derniers mois. Mais les proches de Poutine restent intouchables.
Il y a un mois, le Fonds anticorruption de l’opposant Alexeï Navalny publiait une enquête sur la fortune cachée du premier ministre, Dmitri Medvedev. Dimanche 26 mars, des dizaines de milliers de manifestants anticorruption sont descendus dans la rue. Plus d’un millier ont été interpellés, dont Navalny qui écope de 15 jours de détention et d'une amende.
Le 18 septembre prochain, les Russes voteront pour élire 450 députés à la Douma d’État. Edinaïa Rossia, le parti du pouvoir, devrait arriver en tête, alors que l’opposition ressemble à un champ de ruines. La coalition démocratique a explosé en vol, engluée dans divers scandales.
L’opposition a réussi son pari. Malgré un froid polaire (– 20°C), environ 100.000 personnes ont manifesté samedi à Moscou pour demander des « élections propres » et de profondes réformes. Une contre-manifestation était aussi organisée et Poutine hésite entre une fermeté sans concession et de timides ouvertures.