Malgré l’outrance de son propos, les intuitions de l’ancien gourou de Donald Trump ne sont pas sans pertinence. Plongée dans la ligne stratégique et idéologique de celui qui entend faire de l’Europe, « espace d’insouveraineté », son nouveau terrain de libération de la haine.
Comme le manifestant de la place de la Contrescarpe, Alexandre Benalla a défait le président d’un seul coup, et plus accompli en une journée que toutes les critiques adressées au chef de l’État depuis un an. Et toutes sirènes hurlantes, il a conduit Emmanuel Macron jusqu’à ce moment où un président perd à la fois la confiance des électeurs et sa crédibilité en tant que narrateur politique.
La semaine a commencé par un discours devant des parlementaires au Congrès de Versailles, suivi par la victoire des Bleus en demi-finale de la Coupe du monde ; elle se terminera par la fête nationale, qui pourrait se transformer en triomphe si la France remporte le trophée. Un alignement de planètes idéal pour un président en perte de vitesse, soucieux de redorer son image en convoquant les signes de l’absolutisme, de la révolution ou de la performance.
À l’occasion de la récente signature par l’ex-locataire de la Maison Blanche, Barack Obama, d’un accord avec Netflix pour produire des films, Mediapart revient sur trente ans de communication présidentielle aux États-Unis. Des spin doctors aux experts du clash en passant par les storytellers : c’est de l’histoire d’une dépossession qu’il s’agit. Celle de la politique.
Un an après son élection, le président cherche à construire un pouvoir charismatique en héroïsant son destin personnel et en faisant du romanesque le cœur de l’aventure politique. Comment projeter la fonction présidentielle dans le XXIe siècle en la greffant sur un imaginaire qui date du XIXe siècle ? La contradiction paraît insurmontable à l’heure de la révolution des algorithmes qui neutralise toute velléité de symbolisation.
L’enjeu de l’affaire Sarkozy n’est pas seulement judiciaire, il est aussi symbolique. En nous invitant à substituer les signes de l’impuissance à la toute-puissance de l’État, c’est le mélodrame d’une fin de partie qui se joue. Le sujet est l’État lui-même, son dépérissement, sa corruption, son dessaisissement.
Depuis dix ans, les événements ne s’ordonnent plus en feuilletons mais sont gouvernés par l’imprévisibilité, l’irruption, la surprise. Ils relèvent davantage d’une sismographie politique que de la technique tant prisée du storytelling. Bienvenue dans l’ère du clash.
Les Anciens sont de retour. L’actualité témoigne d’un regain d’intérêt pour les épopées d’Homère ou d’Ovide. Qu’est-ce que ce retour signifie ? Est-ce le signe d’une quête des sources « gréco-latines » de l’identité européenne ? Ou une réaction à l’uniformisation culturelle et linguistique que favorise Internet ? Est-ce une arme pour les conservateurs ou un bond en avant vers l’altérité ?
Tout le mal de nos démocraties tiendrait en deux mots : « Fake news ». Derrière l’illusion d’un diagnostic, l’expression fonctionne comme un écran, un alibi pour une censure étatique qui masque les causes du discrédit de la parole publique et son histoire depuis les années 1990.
« Il n’y a plus de politique africaine de la France », a dit à Ouagadougou le président français. Et pourtant, ce voyage en Afrique a quelque chose d’un trafic d’apparence. Franc CFA, passé colonial, immigration, natalité : Emmanuel Macron a utilisé tous les procédés qui permettent de créer un monde nouveau, mais reconduisent la vieille raison coloniale sous les traits de la bonne gestion.
L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche il y a tout juste un an est en fait l’aboutissement d’un long processus. Pour reprendre une expression de Baudrillard, voici pourquoi et comment ce « roi de carnaval » est advenu, chargé d’une mission historique : détruire l’illusion démocratique.
La Maison éternelle, de Yuri Slezkine n’a pas d’équivalent depuis L’Archipel du Goulag, d’Alexandre Soljenitsyne. L’auteur raconte la révolution russe à travers l’histoire des habitants de la Maison du Gouvernement, immeuble construit pour y abriter la nomenklatura bolchevique. Il explore les mille voix de la solitude soviétique et dresse un mausolée à tous ceux qui, comme l’écrivait Chalamov, « ont participé à cette grande bataille perdue pour un renouvellement effectif de la vie ».