Son allocution au lendemain des européennes en est une nouvelle illustration. La chronique du hollandisme se donne à lire comme une suite incohérente de contre-performances, une succession de couacs, de tête-à-queue idéologiques, de télescopages entre la vie privée et la vie publique, de trahisons et de scandales d’État. Ce n'est pas seulement à la chute de la maison Hollande que nous assistons mais aux derniers jours de la Ve République.
« Les mystères sont irrités par les faits », écrivait Norman Mailer. C'est l'état exact de notre société face au pouvoir politique en ce printemps 2014. Le remaniement répond-il à cette exaspération ? Sans doute pas, tant l'immobilisme et les petits calculs, renforcés par les pesanteurs institutionnelles, laissent un président inchangé même si désavoué.
L'écrivain Milan Kundera publie chez Gallimard La Fête de l'insignifiance. Dans ce roman sur l'apothéose du rien, il met en scène « un peuple qui manque ». Lorsque les civilisations s’effondrent et que les centres du pouvoir ne tiennent plus, il est un moment où cette décomposition cesse d’être visible à l’œil nu. C'est alors que le roman, et lui seul, peut nous éclairer.
C'est le moment zombie de la politique et des choix économiques. Les idées mortes marchent encore parmi nous… La social-démocratie de François Hollande ayant de longue date muté en un néolibéralisme mal assumé, voilà la « politique de l’offre » devenue une politique de l’offrande. C'est l'objet du « pacte de responsabilité », pensée magique qui veut échanger des chèvres contre des déclarations d’amour.
Que reste-t-il de ce pouvoir, deux ans après le discours du Bourget du candidat socialiste François Hollande ? Rien. Pour le comprendre, il faut lire Gombrowicz ou Pasolini. Évoquant des politiques devenus des masques, le cinéaste italien concluait : « Si on les enlevait, on ne trouverait même pas un tas d’os ou de cendres : ce serait le rien, le vide. »
Nicolas Sarkozy met en scène son retour. Un nouveau récit politique ? Non, une pulsion régressive. Un recours ? Non, une rechute dans l'addiction. Explications.
Si Christiane Taubira est attaquée, c’est qu’elle résiste à la crise de souveraineté qui mine la politique. C'est aussi parce qu'elle trace une diagonale audacieuse entre les deux blocs qui arraisonnent le débat public, le souverainisme xénophobe nourri au racisme colonial et le mondialisme néolibéral.
C’est sans doute la pire des mystifications frontistes : Marine Le Pen n’incarne en rien une alternative au « système », mais elle en est le révélateur au sens heuristique. Le Front national est depuis 30 ans « la chambre noire » de l’idéologie dominante, le laboratoire d’un modèle de gestion « autoritaire » de la crise.
Laissons de côté la Syrie et revenons sur la scène politique intérieure. Après avoir été, à la tête du parti socialiste, l’homme de la synthèse, François Hollande est-il en train de devenir le président des contradictions paralysantes ? La chronique des couacs et autres querelles interministérielles ne saurait être imputée seulement à l’apprentissage du pouvoir. Analyse.
« On fait campagne en poésie, mais on gouverne en prose » : François Hollande préside en chiffres. L’impasse narrative et politique du pouvoir socialiste n’est pas réductible à un défaut de communication. Elle est le fruit d’une déconnexion historique entre la souveraineté de l’État et la représentation du pouvoir.
De la démission de Cahuzac au « choc de simplification » promis par le chef de l'État en passant par la mise en examen de son prédécesseur ou les crises italienne et chypriote, la « suite intemporelle de chocs » qui a marqué ces jours derniers témoigne de la décomposition du champ politique. Première chronique de Christian Salmon pour Mediapart.