Alors que le déconfinement ne ressemble guère à une libération, les trois temps de mobilisation annoncés cette semaine — contre le racisme, pour la santé et « contre la réintoxication du monde » — désignent les priorités du monde de maintenant.
À l’heure d’une nouvelle manifestation antiraciste en France et alors que des statues sont déboulonnées car « les idoles des uns sont les génocidaires des autres », le philosophe Norman Ajari appelle à sortir « du fétichisme de la République ».
Du fantasme raciste de la beurette toujours aussi vif à celui de l’Arabe violent et violeur, Mediapart bat en brèche les clichés hérités de la domination sexuelle et coloniale au Maghreb avec les historiennes Naïma Yahi et Christelle Taraud.
Pour la philosophe Nadia Yala Kisukidi, la France est paralysée par « une rhétorique du déni, qui consiste à dire que puisque la République est aveugle à la race, il ne peut y avoir de discriminations systématiques touchant des groupes précis ».
« La santé est devenue la nouvelle mesure de l’humain », juge l’intellectuelle ivoirienne Tanella Boni, pas étonnée que l’Afrique résiste au coronavirus. « Avoir de l’expérience, c’est apprendre à être sage. C’est éviter de s’affoler à la moindre urgence. »
Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne pose son regard sur la crise mondiale ainsi que sur les inégalités et préjugés qu’elle met à nu. Il rappelle l’urgence de décoloniser les imaginaires pour penser le monde de maintenant comme d’après.
Le philosophe Pierre Charbonnier réfléchit à la matérialité des idées politiques, et à la possibilité de conserver l’idéal de la liberté à l’époque des bouleversements écologiques. Pour Mediapart, il examine la façon dont l’épidémie actuelle percute nos pensées et modes de vie.
Pour le philosophe Achille Mbembe, nous vivons « en partie la conséquence du terrible travail effectué depuis quelques siècles pour détacher l’humanité de toute connexion avec l’étendue du vivant ».
La lutte planétaire contre le coronavirus ne signifie pas la fin des rivalités entre grandes puissances. Mais l’épidémie pourrait hâter le déclin relatif des États-Unis, le désarroi stratégique des Européens et l’influence croissante de la Chine.
Le confinement, qui s’apprête à être prolongé en mai, accroît maintes souffrances intérieures qui peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé dans les mois, les années qui viennent, prévient le sociologue et anthropologue David Le Breton.
Stéphane Audoin-Rouzeau, historien de la guerre de 1914-1918, juge que nous sommes entrés dans un « temps de guerre » et un moment de rupture anthropologique.
Trois historien.ne.s des phénomènes guerriers et des sorties de guerre reviennent, à la lumière de la crise actuelle, sur leurs travaux : que nous apprennent les lendemains de guerre sur les manières de vivre l’après ?
Pour le professeur au Collège de France, méfiant vis-à-vis d'analogies historiques attendues, la situation actuelle est davantage futuriste qu’évocatrice de périodes anciennes. Mais il peut être utile de regarder le pouvoir dans l’œil de l'épidémie.
Quel sens donner au mot catastrophe ? La mortalité des attentats ou du tabagisme est-elle plus catastrophique que celle du Covid-19 ? Quelle réponse peut apporter notre monde laïcisé ou sécularisé ? Le philosophe Pierre Zaoui livre quelques réflexions pour aider à penser et vivre le moment présent.
À l’heure où les ponts aériens se font désormais de la Chine vers l’Europe, le spécialiste des relations internationales décrypte la géopolitique du coronavirus. « L’enseignement de cette crise: sans un nouveau traité de Rome, le temps de l’intégration européenne est refermé », juge-t-il.
Le sociologue Razmig Keucheyan explore les pistes ouvertes par la crise sanitaire pour repenser nos besoins. Le défi à relever est double : les satisfaire de manière égalitaire, mais limiter ceux qui ne sont pas soutenables.