Le roman « Le Chant des revenants », couronné par le National Book Award, confirme la grâce et la puissance du style poétique de Jesmyn Ward, déjà lauréate du prix pour « Bois sauvage » en 2011. Son blues du Mississippi, inspiré par les peines et les fantômes d’une fragile famille rurale, fait vibrer les traces des drames de l’Amérique noire.
Les ronds-points vus par les penseurs : c’est à une tentative d’analyse à chaud de la mobilisation des « gilets jaunes » que se prêtent quinze chercheurs dans Le fond de l’air est jaune, paru ce jeudi au Seuil. Mediapart propose à la lecture l’introduction de ce recueil de textes, lesquels aident à saisir la force d’un mouvement qui est parvenu, comme rarement au cours de la décennie, à imposer au centre du débat la question de la justice sociale.
Patrick Rambaud, après avoir étrillé Nicolas Sarkozy puis rapetissé encore davantage François Hollande, se mesure au président Macron dans Emmanuel Le Magnifique (Grasset). L’écrivain brandit son flambeau face au foudre de Jupiter.
Dans Janesville, la journaliste du Washington Post Amy Goldstein raconte avec humanité le quotidien de quelques familles d’ouvriers, pendant la crise économique de 2008, quand General Motors décide de fermer l’usine qui fait vivre cette petite ville du Wisconsin. Un travail documentaire au service d'une écriture remarquable.
Grand entretien avec l’écrivain, à l’occasion de la publication de son nouveau livre, La Guerre aux pauvres. Il évoque son œuvre et son rapport à la littérature.
L’anthropologue anarchiste James C. Scott publie un ouvrage détonnant qui, à l’appui des récentes découvertes de l’archéologie, remet en cause le grand récit civilisationnel fondé sur l’agriculture céréalière, la sédentarité et l’État.
Une anthologie de Lev Rubinstein, acteur marquant de l’avant-garde artistique russe, vient de paraître aux éditions Le Tripode. Résolument campé en opposant politique depuis les années 1970, sous l’ère soviétique, ce poète moscovite est l’inventeur d’un genre à part, le « texte-sur-fiche », dont l’effet paradoxal est de rendre son œuvre aussi stupéfiante qu’inclassable.
Va-t-on vers une guerre ? Beaucoup se le demandent, à force de comparaisons avec les années 1930, de déclarations délirantes des Salvini, Orbán et autres Trump, Poutine, Erdoğan… Un livre somme, regroupant 57 chercheurs européens et américains sous la direction de Bruno Cabanes, appréhende justement la guerre comme « un fait social total », un « acte culturel ».
La perspective du grand remplacement du travail humain par les technologies de l’intelligence artificielle n’est-elle qu’un grand bluff destiné à contrer l’organisation des nouveaux prolétaires du numérique ? En explorant les contours du digital labor, le sociologue Antonio Casilli produit une enquête vertigineuse sur le travail au XXIe siècle.
Un premier tome regroupant près de 500 articles, la plupart publiés dans le quotidien Combat durant les six premières années de l’après-guerre, offre un panorama de la critique littéraire selon Maurice Nadeau. À méditer d’urgence.
En publiant « La Guerre des pauvres », qui se penche sur une révolte du XVIe siècle, Éric Vuillard réfléchit le mouvement des « gilets jaunes ». Le nouveau livre du prix Goncourt 2017 opère une percée dans le passé pour mieux saisir le présent, et faire l’avenir.
En partant sur les traces de Lawrence d’Arabie visitant des châteaux croisés avant la Première Guerre mondiale, Jean Rolin aurait pu écrire une suite à son Traquet kurde, savoureuse variation sur la relation entre ornithologie et espionnage. Mais si l’écrivain continue de nous enchanter par sa grâce, son humour et son style, c’est aussi, et surtout, le prodigieux journaliste qui émerveille dans Crac.
Les « gilets jaunes » ont prétendu incarner la colère du peuple face à un pouvoir assimilé à celui de Louis XVI. Même outrée, cette mise en scène met en lumière un retour vers des formes sociales évoquant des temps révolus, comme le documentent deux livres consacrés, l’un au retour des domestiques, l’autre au retour de l’héritage.
Enseignant l’esthétique et la philosophie le jour, et pratiquant les scènes musicales la nuit, Agnès Gayraud était sans doute la mieux placée pour réussir le tour de force d’une philosophie de la pop qui ne soit pas seulement de la « pop philosophie ».
Les propos de Macron sur la ressemblance de notre temps avec les années 1930 ont clivé le champ politique et intellectuel entre partisans de l’emploi du terme fascisme et ceux qui se refusent à plaquer une telle période historique sur la nôtre. Il est urgent de construire un antifascisme remodelé et réarmé, comme nous y invitent deux ouvrages publiés cet automne.
En 1964, Jean-Paul Sartre refuse le prix Nobel qu’il voyait tel un « enterrement de première classe ». Il faut croire que sa pensée politique n’est pas aussi morte que d’aucuns le proclament, puisqu’on entreprend de le rendre inaudible à travers l’édition dite « intégrale » de ses articles autrefois parus dans Les Temps modernes et réunis sous le titre Situations.