À partir de la notion de « transclasse », un collectif réuni autour de la philosophe Chantal Jaquet atomise les notions de « mérite », de « mobilité sociale » ou « d’excellence », qui constituent le socle idéologique, périmé et trompeur, du pouvoir actuel.
« J’aurais pu ne jamais savoir que ma mère écrivait », affirme Christophe Boltanski au début du Guetteur. C’est par hasard qu’il l’apprend, comme il comprend qu’il est né par hasard, à l’époque de la guerre d’Algérie.
Le nouveau roman de François Bégaudeau peut bien s’appeler « En guerre », il raconte qu’il ne sert à rien de lutter – ça ne sert qu’à faire de la littérature.
Au-delà de l’histoire de deux jeunes Sénégalais dans les vastes champs de massacre de la Première Guerre mondiale, le magistral roman de David Diop interroge : qui est homme, si un homme mutile, égorge et blasphème des corps en conscience et par volonté, c’est-à-dire en homme libre ?
Connue surtout pour ses grands poèmes testimoniaux (Témoignage, Holocauste…), l’œuvre de Charles Reznikoff (1894-1976) a pu passer pour une anomalie, son dessein antilyrique échappant pour une grande part à l’histoire de la poésie. L’édition récente de deux de ses livres de poèmes majeurs (inédits en français) donne la mesure de ce vœu de pauvreté volontaire qui est au cœur de la démarche du poète américain.
Le premier roman de Lisa Halliday s’inspire de sa liaison avec l’écrivain Philip Roth. Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut le lire : il faut le lire parce que c’est un très bon livre qui cache son jeu.
Les textes de Jean Meckert ne sont pas sans lien avec le virage à gauche du polar qui marque en France les années 1970 et 80. De ce néo-polar au roman social, il reste une référence pour ceux qui s'obstinent à penser que le monde du travail ne doit pas être tenu à l'écart de la littérature.
À la rentrée littéraire 2017 paraissait Le Presbytère, un premier roman très singulier, construit à partir d’audiences de procès ayant trait à des abus sexuels commis dans les années 1970. Mais au-delà des faits et de leurs enjeux sociologiques, son auteure Ariane Monnier saisit par la puissance de son écriture, tout en retenue et en délicatesse. Article, entretien, extraits.
L’auteur algérien, qui publie Le Livre d’Amray aux éditions Zulma, compose un chant poétique et nostalgique, et explore les douleurs du passé. L’art apparaît comme l’échappatoire à toutes les horreurs qui ont assailli la terre algérienne, jamais évoquée nommément.
Jean Meckert n'est pas l'homme des choix faciles. C'est en pleine Occupation qu'il décide, après les bonnes critiques de ses deux premiers romans parus dans la collection blanche de Gallimard, de ne vivre que de sa plume. Mais dès 1950, Meckert constate que « dans ce monde fermé [de la littérature], on ne peut entrer qu'en courbant l'échine ».
Un livre gorgé de rage et d’amour nous invite à un exercice de fiction spéculative : les révolutions de 2011 ont réussi et ont semé la révolte au-delà de leurs frontières. La France a basculé dans l’insurrection et renversé le pouvoir en place. Dix ans après, où en sommes-nous ? Bâtir aussi raconte un futur possible de nous-mêmes.
Jean Meckert serait aujourd’hui presque totalement inconnu sans le travail des éditions Joëlle Losfeld, qui ont réédité dix ans après sa mort six titres de cet écrivain prolifique. Prolétaire et fier de l’être, anar de conviction de cœur et de vie, Meckert n’a pas pris une ride.
Dans la bande dessinée Morts par la France, Pat Perna et Nicolas Otero, tandem journaliste-dessinateur, retracent l’enquête de l’historienne Armelle Mabon sur le massacre de Thiaroye, au cours duquel des centaines de tirailleurs africains ont été fusillés par l’armée française le 1er décembre 1944. Indispensable.
Avec son dernier roman, Elsa Osorio embarque le lecteur dans une enquête haletante, qui ravive la mémoire tragique de la dictature militaire en Argentine.
Peu connue en France en dehors d’un cercle d’inconditionnels, Natalia Ginzburg, romancière italienne, essayiste et auteure d’un poème magnifique (Memoria, sur la mort de son époux Leone Ginzburg, tué par la Gestapo à Rome), possède une voix d’une clarté exceptionnelle. Peut-être la réédition des Petites Vertus permettra-t-elle sa (re)découverte.
Un recueil d’entretiens, Le Courage de dire non, donne à entendre la voix singulière de l’écrivain italien Mario Rigoni Stern, survivant des camps de travail nazis, chantre de la montagne et de ses habitants. « Je suis resté pour raconter ce dont j’ai hérité, ce que j’ai écouté et ce que j’ai vu, ce que je vois et ce que j’éprouve », expliquait-il.