Va-t-on vers une guerre ? Beaucoup se le demandent, à force de comparaisons avec les années 1930, de déclarations délirantes des Salvini, Orbán et autres Trump, Poutine, Erdoğan… Un livre somme, regroupant 57 chercheurs européens et américains sous la direction de Bruno Cabanes, appréhende justement la guerre comme « un fait social total », un « acte culturel ».
La perspective du grand remplacement du travail humain par les technologies de l’intelligence artificielle n’est-elle qu’un grand bluff destiné à contrer l’organisation des nouveaux prolétaires du numérique ? En explorant les contours du digital labor, le sociologue Antonio Casilli produit une enquête vertigineuse sur le travail au XXIe siècle.
Un premier tome regroupant près de 500 articles, la plupart publiés dans le quotidien Combat durant les six premières années de l’après-guerre, offre un panorama de la critique littéraire selon Maurice Nadeau. À méditer d’urgence.
En publiant « La Guerre des pauvres », qui se penche sur une révolte du XVIe siècle, Éric Vuillard réfléchit le mouvement des « gilets jaunes ». Le nouveau livre du prix Goncourt 2017 opère une percée dans le passé pour mieux saisir le présent, et faire l’avenir.
En partant sur les traces de Lawrence d’Arabie visitant des châteaux croisés avant la Première Guerre mondiale, Jean Rolin aurait pu écrire une suite à son Traquet kurde, savoureuse variation sur la relation entre ornithologie et espionnage. Mais si l’écrivain continue de nous enchanter par sa grâce, son humour et son style, c’est aussi, et surtout, le prodigieux journaliste qui émerveille dans Crac.
Les « gilets jaunes » ont prétendu incarner la colère du peuple face à un pouvoir assimilé à celui de Louis XVI. Même outrée, cette mise en scène met en lumière un retour vers des formes sociales évoquant des temps révolus, comme le documentent deux livres consacrés, l’un au retour des domestiques, l’autre au retour de l’héritage.
Enseignant l’esthétique et la philosophie le jour, et pratiquant les scènes musicales la nuit, Agnès Gayraud était sans doute la mieux placée pour réussir le tour de force d’une philosophie de la pop qui ne soit pas seulement de la « pop philosophie ».
Les propos de Macron sur la ressemblance de notre temps avec les années 1930 ont clivé le champ politique et intellectuel entre partisans de l’emploi du terme fascisme et ceux qui se refusent à plaquer une telle période historique sur la nôtre. Il est urgent de construire un antifascisme remodelé et réarmé, comme nous y invitent deux ouvrages publiés cet automne.
En 1964, Jean-Paul Sartre refuse le prix Nobel qu’il voyait tel un « enterrement de première classe ». Il faut croire que sa pensée politique n’est pas aussi morte que d’aucuns le proclament, puisqu’on entreprend de le rendre inaudible à travers l’édition dite « intégrale » de ses articles autrefois parus dans Les Temps modernes et réunis sous le titre Situations.
L’activiste américaine Sarah Schulman, figure d’Act Up New York, publie un livre hybride, à la fois tombeau pour les morts du sida, ode aux figures évincées d’un New York ripoliné et réflexion inégale sur la gentrification du monde.
En étudiant, à travers ses étranges archives, l’itinéraire d’un savant des Lumières à la méthodologie inédite et à la théorie bancale, le sociologue Jean-François Bert rend compte de la matérialité avec laquelle se fait et se défait la science.
1 200 pages × 2, et ce n’est qu’un début : de quoi accueillir la prose du monde. Chronique des sentiments, d’Alexander Kluge, est le plus beau des calendriers de l’avent – et de l’après : un kaléidoscope de courts récits, autant de fenêtres ouvertes sur le monde.
Quatre tomes d’un manga, autour d’un argument mince en apparence : l’histoire d’une de ces gargotes ouvertes toute la nuit qui accueillent une clientèle des plus diverses. Dans La Cantine de minuit, de Yarô Abe, chaque histoire se noue autour d’une nuit et d’un plat. Succulent.
Après l’ours et le cochon, le bestiaire de l’historien Michel Pastoureau s’enrichit d’un nouvel hôte. Nombre des fauves légendaires évoqués ici nous sont déjà familiers, de la louve romaine à Ysengrin, du dévoreur de mères-grands au Blitz Wolf de Tex Avery, mais le livre et sa riche iconographie réservent encore de jolies surprises. Idéal pour raconter des histoires au coin de l’âtre en faisant griller des marrons.
L’écrivaine Leslie Kaplan, qui a vécu Mai-68 dans une usine occupée à Lyon, considère que les « gilets jaunes » ont pris le relais, de façon populaire et autogérée, d’une volonté de changer la vie qui ne se laissera pas acheter par le pouvoir.
Lire Robinson Crusoé dans la Pléiade (sous l’édition de Baudouin Millet), c’est l’occasion de découvrir la seconde partie de l’œuvre de Defoe, si rarement lue, et de remarquer sa parenté avec L’Ingénieux Don Quichotte de la Manche, de Cervantès et Le Voyage du pèlerin, de John Bunyan. Le livre prend ainsi une autre dimension, qui dépasse la confession d’un vagabond des mers et laisse le lecteur étourdi par sa profondeur.