Alors que la répression ne faiblit pas en Égypte, qu’un rapport d’ONG documente les abus d’une justice parallèle, la France apparaît dans une « déconnexion criante et inacceptable » à l’égard de son allié le dictateur Sissi, pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron. La diplomatie, ce n’est pas s’écraser.
Le régime toujours plus répressif du maréchal Sissi s'en est pris ce week-end à Mada Masr, un des derniers espaces de liberté médiatique en Égypte. Mediapart avait rencontré Lina Attalah, la directrice de la rédaction, pour parler de la situation du pays et de la possibilité de continuer de faire du journalisme indépendant dans ce contexte.
Pour la première fois depuis l’accession au pouvoir du dictateur Al-Sissi, des manifestations et des rassemblements anti-gouvernementaux, réclamant le départ du président, ont eu lieu en Égypte. Aux abois, le régime use de son arme principale, la répression, pour étouffer le mouvement. Plus de 1 400 personnes ont été arrêtées depuis vendredi 20 septembre.
Depuis deux semaines, la police égyptienne réprime avec brutalité les manifestations qui dénoncent la corruption du régime et réclament le départ du maréchal-président. En continuant à le soutenir et à l’armer, avertit Amr Darrag, ancien ministre du gouvernement renversé en 2013, la France piétine ses valeurs morales et compromet ses intérêts dans la région.
Les 20 et 27 septembre, de jeunes manifestants ont osé défier les forces de sécurité dans toute l’Égypte. La plupart viennent des quartiers populaires ou sont issus de la classe moyenne appauvrie.
Alors que des appels sont lancés pour « une marche du million », le régime égyptien, qui réprime à tour de bras, peut-il étouffer la colère qui monte contre lui ? « L’émergence ou le surgissement d’une crise révolutionnaire est toujours une probabilité, même si dans le contexte actuel cela peut sembler impossible », répond le chercheur Youssef El Chazli.
Cafés fermés, graffitis effacés, surveillance omniprésente : une chape de plomb sécuritaire a recouvert les espaces publics du centre du Caire, cœur symbolique de la révolution de 2011. Mais l’esprit de Tahrir continue d’infuser dans une jeunesse qui lit de plus en plus et transforme des appartements en cafés et lieux d’échanges.
Le premier président démocratiquement élu en Égypte est mort en plein tribunal, le 17 juin, après six années de détention dans des conditions inhumaines. Médiocre dirigeant islamiste, puis condamné à la prison à vie, il est devenu le symbole de l’acharnement du régime militaire contre ses opposants.
Du 20 au 22 avril, 55 millions d’électeurs égyptiens étaient appelés à valider des amendements constitutionnels qui renforcent les pouvoirs du président al-Sissi. Le scrutin a été marqué par des arrestations d’opposants et par l’octroi de pots-de-vin aux abords des bureaux de vote.
Depuis qu’ils ont rencontré le Emmanuel Macron en tête à tête au Caire à l’occasion de son voyage officiel, quatre défenseurs des droits humains égyptiens font l’objet d'une plainte pour « offense à l’État égyptien », « atteinte à la sûreté de l’État » et « menace à la sécurité nationale et aux intérêts du pays ».
Après avoir minoré la question des droits humains, Emmanuel Macron entendrait désormais l’évoquer publiquement lors de sa visite d’État en Égypte ces 27 et 28 janvier. Ce changement de braquet est-il vraiment sincère, ou simplement destiné à désamorcer les critiques de la relation de Paris avec un régime de plus en plus répressif ?
Après avoir déroulé le tapis rouge au président Abdel Fattah al-Sissi à Paris, Emmanuel Macron se rend pour la première fois en Égypte. Il justifie son soutien à l’ex-maréchal par la nécessité du « combat contre le terrorisme ». Mais le bilan de l'opération menée depuis 2013, principalement dans le Nord-Sinaï, est très contesté.
Le soutien sans faille de la France au régime d’Abdel Fattah al-Sissi, auquel Emmanuel Macron rend visite dimanche et lundi, suscite des critiques au sein même de la diplomatie française. Sous le couvert de l’anonymat, plusieurs diplomates passés par Le Caire disent leur émoi face à la politique égyptienne de la France.
L’ONG Front Line Defenders a publié un rapport sur la répression visant les mouvements sociaux en Égypte: les syndicalistes font l’objet de représailles allant jusqu’à la torture. Vingt-six ouvriers travaillant pour le groupe français Naval Group, contrôlé par l’État, sont poursuivis devant un tribunal militaire.
Alors que se tient le salon de l’armement au Caire, un document, reproduit dans une vidéo publiée par l’État islamique, semble indiquer que la France continuait de livrer des véhicules Renault Trucks Defense à l’Égypte après le massacre de Raba’a, qui a causé près de 1 000 morts civiles en 2013. Des engins régulièrement utilisés à des fins de répression interne dans un contexte dictatorial.
Vendredi 2 novembre, une nouvelle attaque revendiquée par l’État islamique a ciblé la communauté chrétienne d’Égypte. Les autorités sont accusées d’être incapables de protéger les coptes, mais aussi d'instrumentaliser les violences politiques pour conforter le régime.