De nombreuses personnes blessées à Sainte-Soline lors de la manifestation contre les mégabassines le 25 mars ont fui les hôpitaux les plus proches par peur de se faire arrêter ou ficher par la police. Le procureur de la République a fait saisir les noms des blessés graves ainsi que les vêtements d’un manifestant hospitalisé.
Loin d’être mis en difficulté sur les violences policières lors des manifestations de Sainte-Soline ou contre la réforme des retraites, le ministre de l’intérieur a pilonné ses adversaires : « l’ultragauche », le Conseil constitutionnel et la Ligue des droits de l’homme.
Au soir du lundi 20 mars, plusieurs dizaines de manifestants se sont retrouvés bloqués dans une petite rue de la capitale alsacienne, ont été gazés à plusieurs reprises, puis pris en étau. La police refuse de parler de nasse. Les témoins, eux, ont vécu de longues minutes traumatisantes.
Tom, un manifestant présent samedi à Sainte-Soline, témoigne de ce qui est arrivé à Serge D., un des blessés graves dans le coma. Il se trouvait derrière lui lorsqu’il a été touché. Il affirme avoir vu une grenade exploser sur le casque de Serge D. Sous couvert d’anonymat, il raconte comment il a tenté, avec des medics, de le soigner. Lui aussi confirme que les secours ont été empêchés par la gendarmerie.
Ce manifestant de 32 ans, touché à la tête lors de la manifestation anti-bassine du 25 mars, se trouve toujours entre la vie et la mort. Mediapart a pu reconstituer son itinéraire et son évacuation tardive par les secours, sur la base des témoignages de ceux qui l’ont pris en charge et des éléments rendus publics par les autorités.
Dans un enregistrement révélé par « Le Monde », un pompier et un opérateur du Samu confirment que les secours ont été bloqués, alors qu’un manifestant était en danger de mort sur le site, samedi dernier. Mediapart diffuse des extraits sonores qui contredisent la version des autorités.
Depuis la manifestation de samedi dans les Deux-Sèvres, qui a fait plus de deux cents blessés chez les participants et quarante-cinq chez les gendarmes, les témoignages sur le dispositif de maintien de l’ordre sont accablants. Les pompiers et le Samu ont eu d’énormes difficultés pour accéder au site.
Depuis le vote du 49-3, les manifestations se sont multipliées, à Paris et dans plusieurs villes de France, et les images de violences policières aussi. La Défenseuse des droits, Claire Hédon, dénonce « des interpellations préventives » et des « manquements déontologiques dans le maintien de l’ordre ». Sur le plateau d’« À l’air libre », nos invité·es racontent le durcissement du maintien de l’ordre.
Alors que le recours au 49-3 a entraîné une multiplication des rassemblements et actions spontanés partout en France, le dispositif policier a renoué avec ses travers : interpellations massives et mal fondées, violences gratuites, mépris des libertés fondamentales.
Les parents de deux lycéens victimes d’une des nombreuses charges policières survenues à Paris, samedi, ont déposé plainte. Dans un document interne, l’Union syndicale Solidaires se plaint des « agressions de la part des forces de l’ordre ». Déjà le 19 janvier, un homme avait subi l’ablation d’un testicule à la suite d’un coup de matraque alors qu'il était au sol.
L’autorité indépendante pointe les responsabilités des policiers parisiens qui ont brutalement sorti deux usagères en colère de leurs locaux, en juillet 2017, ainsi que des « omissions » dans l’enquête de l’IGPN. La justice a classé sans suite la plainte de la victime, décédée depuis.
Consultations illégales, transmission d’informations confidentielles, voire corruption : les fichiers de police, dont le contenu est sensible et l’usage encadré, attirent les convoitises. Mediapart a recensé les affaires rendues publiques ces dix dernières années.
Le 22 janvier, en plein cœur de Paris, un homme de 49 ans a été tué par balles par des policiers. Selon le récit des forces de l’ordre, il les aurait menacés avec une arme. Plusieurs témoins qui se trouvaient à quelques mètres de la scène ne font pas un récit identique à Mediapart.
Pendant plusieurs mois, Auxane J., gardien de la paix au commissariat du Kremlin-Bicêtre, a posté des photos et des vidéos d’interpellés, et divulgué leurs antécédents judiciaires. Fin décembre, la préfecture de police de Paris a signalé à la justice le comportement de ce fonctionnaire, épinglé par un groupe antifasciste québécois.
Aux commissariats des Lilas et de Bondy (Seine-Saint-Denis), des affiches d’un goût douteux étaient placardées dans les bureaux d’OPJ recevant des victimes et des suspects. « Des rappels à l’ordre ont été effectués », assure la préfecture de police.
Cédric G. était jugé jeudi par le tribunal de Bobigny pour violences et exhibitions sexuelles. Si le procureur exigeait six mois de prison ferme, les juges sont allés plus loin du fait d’une précédente condamnation.