Le premier roman de Marin Fouqué, 77 (Actes Sud), s’attarde là où l’on ne s’arrête pas : en Seine-et-Marne, dans un abribus, sous la capuche d’un jeune homme. Il confirme qu’un nouveau genre est en train de s’inventer, celui du roman périurbain, après Fief de David Lopez et Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu.
C’est un classique de la littérature yougoslave d’une glaçante actualité que les éditions Inculte donnent l’occasion de redécouvrir : publié en 1938, le Banquet en Blithuanie de l’écrivain croate Miroslav Krleža semble parler de l’Europe de 2019.
Enfant, Patrick Deville était doublement enfermé. Il l’a raconté dans Taba-Taba, son précédent roman. À Mindin et dans le corset qui enserrait sa hanche opérée, il voyageait en lisant. Chaque livre était son « abracadabra », son tour de magie, son tapis volant. Pour écrire Amazonia, il a emprunté des bateaux et a descendu des fleuves avec Pierre, son fils.
Une amie de la famille permet à l’écrivain, 50 ans après la disparition tragique de sa sœur, de faire lien. Avec les siens, avec la vie, avec nous tous.
À Prague, en 1995, un journaliste enquête sur une médium qui recueillerait des pièces de Chopin, sous la dictée du compositeur-revenant. Le doute s’insinue et gagne la partie dans ce roman abouti d’Éric Faye : La Télégraphiste de Chopin.
Deux BD racontent avec intelligence, verve et justesse les combats de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. L’une, La Recomposition des mondes, d’Alessandro Pignocchi, tout en défense et en autodérision, l’autre, La ZAD c’est plus grand que nous, de Thomas Azuélos et Simon Rochepeau, en hommage critique et grave. Ces livres s’affrontent au difficile exercice du récit de luttes.
Chaque mercredi, Mediapart diffuse une vidéo en accès libre. Aujourd’hui, nous commençons une série « Médias : les quartiers vous regardent » par un retour à Clichy-sous-Bois. En 2005, le traitement médiatique des révoltes après la mort de Zyed et Bouna avait exaspéré les habitants qui ne se reconnaissaient pas dans le miroir proposé par la presse, notamment audiovisuelle. Comment tentent-ils d’y faire face ?
Dans Civilizations, Laurent Binet renverse le cours de l’histoire : ce ne sont pas les Européens qui découvrent l’Amérique, mais les Amérindiens qui découvrent l’Europe. Cette joyeuse parodie qui veut promouvoir un autre monde possible ferme pourtant l’horizon. Avec ce roman, nous commençons notre série de chroniques sur la rentrée littéraire.
Trente ans après la chute du Mur, le socialisme devient un mot acceptable (et redouté) aux États-Unis. La pensée socialiste, il est vrai, foisonne d’idées neuves pour répondre à l’urgence sociale et environnementale que le capitalisme semble incapable de prendre en compte. Le socialisme vert et démocratique est en construction. Dernier volet de notre série.
Presque quatre ans après l’attentat du 7 janvier 2015 qui a coûté la vie à douze personnes à Charlie Hebdo, le dessinateur Luz rend hommage à ses anciens camarades. Sans rien dire de leur mort, mais en célébrant tout de leur vie et de leur travail. Foutraque, drôle, et émouvant.
Quand on parle de nazisme, il ne faut en général pas longtemps avant d’entendre cette phrase ordinairement attribuée à Hermann Goering, même si d’autres dignitaires du IIIe Reich sont parfois cités : le patron de la propagande allemande Joseph Goebbels, le théoricien Alfred Rosenberg, le chef des jeunesses hitlériennes Baldur von Schirach… Mais si Goering et les autres connaissaient la formule et l’ont peut-être même utilisée, ils n’en sont pas les auteurs.
En Chine, 1989 marque avant tout la répression du mouvement de Tiananmen. Mais dans les années qui suivent, le pays va également adopter le système capitaliste. Il le fera d’une façon originale, caractérisée par le maintien d’un parti-État fort. Les défis contemporains auront-ils raison de sa stabilité ?
« Les Alpes comme le boulevard de la liberté » : ainsi Élisée Reclus conclut-il, à 36 ans, cet essai paru en 1866. Il n’est pas encore le géographe universel, libertaire et exilé que l’on connaît. Il s’est formé jusqu’alors par le voyage, les lectures et l’écriture.
La mort de Toni Morrison est tout le contraire d’une disparition. C’est une invitation à résister à la prolifération des discours de haine. Son œuvre, qui déploie le lieu de la langue et de l’imaginaire comme un champ de bataille, est une arme contre l’ensorcellement raciste et sexiste de nos sociétés. Dans la nuit xénophobe, elle nous apparaît telle une constellation comme le suggère le titre d’un de ses livres : Playing in the Dark. Christian Salmon témoigne sur celle qui fut l’une des initiatrices du Parlement international des écrivains.
Fort du soutien inconditionnel dès ses 20 ans, dans l’ex-RDA, de Heiner Müller, Durs Grünbein s’est imposé comme l’un des poètes majeurs de la jeune génération allemande qui a vécu la chute du mur de Berlin. Presque un chant – le choix de ses poèmes paru récemment – restitue le plein retentissement de cette œuvre à son surgissement, à défaut de parfaitement situer leur auteur au regard de la réunification allemande.
Elle aura fait la joie de Goscinny et d’Uderzo qui ont rarement loupé une occasion d’y faire allusion dans leurs BD ou dans le film Les Douze Travaux d’Astérix : la phrase lancée à Brutus par un César mourant est sans doute l’une des citations latines les plus célèbres. Mais si l’amertume et la déception qu’elle exprime face à la trahison sont passées à la postérité, la formule pose plusieurs problèmes, à commencer par celui de sa véracité.