Cerner les contours du dernier crime de masse du XXe siècle pour en écrire l’histoire suppose de progresser au milieu d’une grande confusion intellectuelle, de blocages politiques, de silences militaires et de pièges tendus par les révisionnistes.
« Nous avons dit tous, c’est tous » : ce slogan a résonné partout dans le pays ce vendredi pour clamer le refus de toute implication des anciens fidèles du président déchu dans la transition politique. Plusieurs millions d’Algériens ont pris d’assaut les rues, à l’occasion des premiers grands rassemblements depuis le départ de Bouteflika.
L’historienne Malika Rahal analyse le mouvement de contestation en Algérie, qui voudrait clore 57 ans de confiscation du pouvoir par le FLN et qui se joue tel un retour à 1962, quand l’indépendance avait mis fin à 132 ans de colonialisme.
Alors que le peuple algérien se prépare à « vendredir » (le nouveau verbe pour dire « manifester chaque vendredi »), entretien avec Mouloud Boumghar, spécialiste de droit public, qui appelle à des élections constituantes pour une vraie transition indépendante et démocratique.
Des voix féministes cherchent à se faire entendre en Algérie, considérant que le changement « du système » passe aussi par une reconnaissance des droits des femmes. Malgré les réactions hostiles qu’il suscite, le « carré féministe » descend dans la rue pour revendiquer « l’égalité ».
En contraignant mardi le chef de l’État à démissionner « immédiatement », l’armée neutralise le clan présidentiel incarné par Saïd Bouteflika. Sera-t-elle jusqu’au bout avec le peuple, comme elle l’affirme ? Les Algériens en doutent, avant de nouvelles marches prévues vendredi dans tout le pays.
Ruben Um Nyobè est une personnalité emblématique de la résistance anticoloniale en Afrique. Le pouvoir français l’a éliminé physiquement en 1958, avant de s’employer à effacer son souvenir de la mémoire collective. Dans un album sorti début mars, le musicien Blick Bassy lui rend hommage.
Pour reproduire sa domination, le régime algérien a choisi notamment la méthode de la rente pétrolière. Entretien filmé avec le politiste Luis Martinez qui aborde une autre de ses spécialités : l’islamisme. « En Algérie, on ne sait pas gérer un mouvement islamiste. La seule fois où on a eu à le faire, il y a eu une guerre. »
Alors que d’immenses manifestations sont à nouveau organisées vendredi 29 mars dans le pays, les Algérois mangent, pensent et respirent politique. Dans la frénésie s’inventent de nouvelles mobilisations et s’étudient des scénarios de transition face à un pouvoir désintégré qui n’a plus que l’armée pour s’opposer à une société déterminée à conquérir la démocratie.
Si l’attention médiatique se focalise sur les manifestations dans la capitale algérienne, tout le pays est en mouvement. En Kabylie, terre de résistance historique, le sentiment que « l’histoire est en train de s’écrire » est largement partagé. Au moment où le chef de l’armée a demandé que le président Bouteflika soit déclaré « inapte » à gouverner, rencontre à Tizi Ouzou avec des habitants convaincus que rien ne sera plus jamais comme avant.
Pour le spécialiste de l’Algérie Luis Martinez, l’armée, en lâchant Bouteflika, « prend la main par défaut ». « Elle n’a aucune envie d’aller dans la rue demain pour restaurer l’ordre et la sécurité. »
Le chef d’état-major a demandé mardi 26 mars que soit engagée la procédure prévue par l’article 102 de la Constitution. Celui-ci prévoit le remplacement du président de la République si, « pour cause de maladie grave et durable », il « se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions ».
Un village situé au centre du Mali a été le théâtre, samedi 23 mars, de l’un des pires massacres de l’histoire contemporaine du pays. Au moins 136 personnes ont été tuées et 47 autres blessées. En dépit de sanctions prises par le président malien contre des responsables militaires, l’inertie de l’armée face aux massacres continue d’interroger.
Dans un rapport, l’ONG Environmental Investigation Agency montre que la situation ne s’améliore pas dans les forêts tropicales du bassin du Congo, deuxième poumon de la planète après l’Amazonie. Selon ses conclusions, les entreprises forestières coupent sans respecter les lois et pratiquent l’évasion fiscale, avec l’aide de personnalités haut placées et la complicité des pays consommateurs.
Le photographe Romain Laurendeau en reportage à Alger, est allé à la rencontre de jeunes adultes engagés dans la mobilisation contre le système Bouteflika. Ils sont étudiant, fonctionnaire, chômeur ou chargé de production, et ils savent qu’enfin leur vie est en train de basculer.
Au cinquième vendredi de manifestation en Algérie, la mobilisation est toujours aussi exceptionnelle contre une prolongation du mandat du président Bouteflika et une transition menée par le régime tant décrié. Le pouvoir est de plus en plus affaibli.