C’est non à l’extinction des espèces, mais à notre capacité à les décrire que s’intéresse l’historien Romain Bertrand dans un livre singulier, où l’on finit par ne plus compter les mots que l’on ne connaît pas. Et si la manière dont nous avons perdu la relation au monde était une affaire de langage ?
Albert Camus rencontra Nicola Chiaromonte (critique littéraire, éditeur, penseur antifasciste italien) à Alger. Et ils ont tenu correspondance pendant 14 ans. L’édition de ces lettres est une plongée dans le monde intellectuel de l’après-Seconde Guerre mondiale et dans l’art de la littérature que ces deux-là partageaient.
Il y a 75 ans mourait, les armes à la main dans le Vercors, l’écrivain Jean Prévost. Une mort qui a éclipsé l’œuvre de cet auteur prodige de l’entre-deux-guerres. Cet oubli malencontreux est en partie levé par la réédition de son Journal de travail. À considérer notamment comme un manuel à l’usage des jeunes pigistes aspirant à la littérature.
L’animalisme est-il un antihumanisme ? Isaac Obermann ne craint pas de répondre par l’affirmative. Le personnage principal du premier roman de Camille Brunel, La Guérilla des animaux (Alma, 2018), réveille les ambiguïtés de chacun face au militantisme antispéciste. Analyse et entretien.
Vladimir Sorokine imagine que, dans un avenir proche, les éditions anciennes serviront à alimenter le feu de délicieuses et raffinées grillades. Un roman d’anticipation parodique dans lequel l’autodafé devenu barbecue reste terrifiant.
Avec une nouvelle édition, la plus complète jamais publiée, de l’œuvre poétique de Nietzsche, on comprend que celui-ci n’a pas seulement bouleversé la philosophie contemporaine, il a aussi profondément renouvelé la poésie allemande – sans parler de la prose.
Les chroniques littéraires que le grand chercheur, passeur et critique Henri Guillemin publia dans un journal du Caire en 1937-1939, exhumées puis éditées avec un soin fervent, s’avèrent passionnantes à plus de 80 ans d’intervalle.
À Minorque, l’écrivain néerlandais Cees Nooteboom vit au côté d’un cactus, d’une tortue, d’un yucca, d’un papillon… Dans 533, Le Livre des jours, il pose sur eux un regard d’une grande acuité et d’une bonne humeur à peu près constante. Tout en poursuivant ses conversations avec Joyce, Borges, Fellini, Kafka, David Bowie…
Avec la révolution en cours dans son pays, l’écrivaine algérienne Maïssa Bey redécouvre « un peuple et une énergie incroyables » en pleine reconquête de la dignité. « Même les rapports entre nous ont changé ! Le “hirak” a libéré la parole, les corps et il nous a libérés de la peur », dit-elle.
À vos stylos ! Les éditions Pontcerq rééditent un vigoureux pamphlet de Sénèque contre l’empereur Claude et lancent « le plus grand concours de satire ménippée jamais organisé : il est ouvert aux écrivains chevronnés comme aux gratte-papier débutants ». Un citrouillage en règle « des chefs et cheffes en exercice – ou mieux même – fraîchement éliminés du pouvoir ». La matière ne manque pas.
Dans un ouvrage qui retrace fort complaisamment la première partie de sa carrière politique, Nicolas Sarkozy rit de se voir si beau en ce miroir. Passions mérite une lecture attentive – sinon attentionnée : c’est le bijou du Castafiore.
Le chercheur et spectateur Olivier Neveux s’en prend au conformisme d’un théâtre qui se croit politique quand il n’est que policé ou routinier. Un texte qui ne résout pas tous les problèmes qu’il soulève, mais oblige à se positionner face à la production scénique actuelle.
Entre Ménilmontant et la Seine-Saint-Denis, former des communautés, remettre en cause les rapports de genre, suivre un régime végétarien strict et enfin, échapper à l’État comme au salariat. En 2019 ? Non, au début du XXe siècle, au sein de groupes de femmes et d’hommes anarchistes, lassés d’attendre le Grand Soir et auxquels le livre d’Anne Steiner, Les En-dehors, donne corps et visages.
À Milan en 1630, des hommes sont accusés d’avoir volontairement répandu la peste : ils sont atrocement torturés et mis à mort ; une colonne est érigée pour marquer leur infamie. Deux siècles après, Alessandro Manzoni, le plus célèbre romancier italien du XIXe siècle, contre-enquête.
Échapper aux formatages de la pop et créer une musique où la fête serait l’amorce de nouveaux rapports sociaux. Voilà ce que raconte Der Klang der Familie – Berlin, la techno et la chute du Mur, ample et passionnant recueil d’entretiens avec les acteurs de la techno berlinoise naissante. La chute du Mur coïncida avec une musique qui se croyait du futur alors qu’elle incarna son époque plus que toute autre.